Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

299 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART

tant d’être sages et de déposer leurs armes à Albi. Ils me promirent de ne rien faire sans mes ordres pendant leur séjour à Gaillac.

M. de Villeneuve, sous-préfet de cette ville, et qui venait de rentrer à son poste, me tint quelques propos indécents, jusqu’à me dire que j'avais allumé ma pipe avec le brevet qui m'avait nommé chevalier de SaintLouis, dont j'étais porteur. Je le lui montrai en lui déclarant que ce ne pouvait être que la malveillance qui l'avait induit en erreur. Après m'être rafraichi et reposé quelque temps chez mes amis, je fus prévenu que la populace s’ameutait de nouveau contre moi, et l’on m’invitait, pour ma süreté, de quitter cette ville. Je profitai de l'avis, et sortis aussitôt de Gaillac par des chemins détournés. Il était presque nuit lorsque je quittai cette ville. À moitié chemin de Gaillac à Albi, je rencontrai un général, avec son aide de camp, qui me déclara avoir obtenu le commandement des départements du Tarn et de l'Aveyron. Je lui demandai de quelle part émanait cet ordre. Il me dit en être investi par le duc d’Angoulème*. Je lui répondis que ce n’était point légal, et qu'il devait le recevoir par le ministre de la guerre, comme aussi, moi, je devais en être prévenu par cette voie; qu'en conséquence je ne lui reconnaissais pas le droit de me remplacer. Mayant observé que mes intérêts et ceux du roi m’imposaient le devoir de me retirer, je lui répliquai que j'allais rétrograder sur Toulouse afin d’en prévenir le maréchal de France Pérignon, qui venait de remplacer le général Decaen. Il ne goùta point ma proposition, et m’engagea à me retirer sur Montauban ;

* Les commissaires royaux envoyés d'Espagne par le duc d'Angoulême avaient appelé des volontaires aux armes. Un gouvernement local s'était formé de nouveau à Toulouse.