Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

290 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART

Mais les déplacements furent fréquents, causés par la crainte de débarquements anglais et par les entreprises des chouans ; car la pacification n'avait fait disparaître que les insurgés massés en armées. En présence d’une armée réduite de 35,000 hommes à 20,000, les bandes continuaient d'’attenter aux propriétés et aux existences, d'arrêter les diligences malgré les escortes, de lever des réquisitions.

Ainsi, dans l’est de l’Ille-et-Vilaine, se faisait redouter le chouan Bobon. Cependant l’adjudant-général Chapuy, résidant à Vitré, parvint à avoir une entrevue avec lui. Celui-ci promettant de se soumettre obtint une conférence avec le chef de bataillon Vernier qui, d’après les instructions de l’adjudant-général, et accompagné du sergent-major Chapuy et de Georges, habitant de Fougères, alla le chercher et le trouva avec cinq compagnons, tous armés. L'entretien, en présence de vingt paysans, fut court. Comme on se séparait, les six fusils s’abattirent. Aux reproches du sergent-major, Bobon répondit par six balles dans son corps. Il renvoya Georges avec l’ordre de verser 10,000 francs pour la ranson de Vernier.

Le capitaine Dally écrivit à Bobon; des ecclésiastiques intervinrent. Ce fut en vain : il fallut trouver l'argent.

Le 8 floréal (27 avril) au matin, Godart se mariait : le soir il recevait le rapport Dally. Il adressa lui-même au général Beyssac un rapport curieux par la recherche, ordinaire à cette époque, de la sensibilité et du pathétique, même dans les documents administratifs.

« Godart, chef de la 79° brigade d'infanterie de bataille Au citoyen Beyssac, général de la subdivision d’Ille et Vilaine.

« Citoyen général,

« J'ai à vous apprendre l’affligeante nouvelle que le citoyen Chapuy, sergent-major de la 3° Ci du 2° bataillon, vient d’être fusillé par les ordres de l’infâme scélérat Bobon, chef de la bande assassine qui désole encore les environs de Fougères.

« Ce crime atroce et inouï en lui-même vous fera frémir d'horreur lorsque vous saurez que cet attentat a été commis alors que le citoyen Chapuy se trouvait avec son chef de bataillon le