Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)
298 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART
«À Saint-Servan le 26 pluyiôse an X (11 février). « Mon général,
« Je dois encore vous prévenir que si vous ne vous hâtez de donner des ordres pour qu’on me fasse passer des fonds, il me sera bientôt impossible de faire vivre plus longtemps le soldat. De toutes parts on lui refuse la viande et le pain de la soupe. Il n'a pas un centime pour acheter des légumes. Nos masses sont si épuisées que nous n'avons pas un sol pour faire faire la moindre réparation. Enfin le soldat est nu-pieds.
« Jugez, mon général, de la position où je me trouve. Je vous prie d'y avoir égard.
« Il est dû à la troupe la solde de nivôse et pluviôse; l’indemnité de viande de la 3° décade de brumaire et des mois de frimaire, nivose et pluviose.
« On doit aux officiers la solde de frimaire et nivôse et bientôt celle de pluviôse; l'indemnité de viande de brumaire, frimaire, nivôse et pluviôse; et les logements du premier trimestre. Le tout s’élève à la somme de 36 à 40,000 francs.
« Vous êtes, mon général, notre unique espérance. Daignez vous occuper de nous et nous faire envoyer au plus tôt un prompt acompte. En le faisant vous rendrez la vie aux soldats, et à moi le plus signalé des services.
« J'ose, mon général, espérer l'honneur de votre réponse, et vous prier de prendre mon exposé en grande considération.
« Salut et Respect. »
« A St Servan, 28 pluviôse (17 février) an X. « Mon général,
« J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint la situation que vous m'avez demandé par votre lettre du 25 de ce mois.
« Permettez, mon général, que je saisisse cette occasion pour vous mettre sous les yeux la pénible situation de mes grenadiers. Depuis quatre mois, ils sont en courses après les brigands: marchant nuits et jours, et par des temps affreux, dans les landes du Morbihan, ils ont entièrement délabré leur habillement et ruiné leurs masses. Aujourd'hui encore ils font ce service, mais ils me demandent des souliers, que je suis dans