Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

300 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART

du général Godart et tant d'autres monuments de son époque, on pourra les partager en deux sortes selon les temps.

Ce sont des révoltes d'indisciplinés au nom des principes révolutionnaires, à peu près de 1792 (ou plutôt 1789) jusqu'à environ 4797. Ensuite, quand se produit l’affermissement de l’esprit militaire en même temps que l’apaisement ou l’affaissement des sentiments publics, il n'y a plus guère que des actes provoqués par les privations, et souvent des résistances passives, à peu près de 1797 à 1802, jusqu'à ce que la discipline sans défaillances fasse l'honneur de la grande armée. Les désordres renaitront à partir de 1808.

La cupidité et même, dans des réclamations fondées, la hardiesse excessive se répandirent dans les armées après qu'on eut connu le bien-être, suite des succès surtout dans l’armée d'Italie.

Sous cette impression se produisit à Milan le moment de désobéissance du corps de Bernadotte, puis de la 79 demibrigade. Mais ce fut peu de chose comparé au mouvement violent de l’armée du Rhin en cette même année 1797, rébellion réfléchie, régulière, disciplinée comme celles des vieilles bandes espagnoles.

Dès le 23 brumaire an V (13 novembre 1796), un agent de la

République française à Bâle écrivait en présence de l'armée du Rhin : « On ne se bat plus pour consolider la République, pour le maintien de la liberté et de l'indépendance de la Patrie : on ne veut plus se battre que pour de l'argent. » (V. aussi AM, p.275.)

Le dénuement des troupes tenait moins aux chefs du Gouvernement qu'aux malversations des administrateurs et bientôt des états-majors. Ceux-ci pillaient quelquefois le pays envahi, les premiers pillaient le pays et l’armée. De là une hostilité de l'élément militaire contre l'élément administratif, qui éclata surtout à Mantoue, à Rome (pluviôse 1798), et qu'exprimait Championnet en parlant de « la race toujours dévorante des commissaires et des agents». Godart, bien que ce soit dans un état-major qu'il a surpris les malversations à Corfou, exprime la même animosité.

Ces réclamations de la solde, ou plutôt du pain, amenèrent d’autres désordres encore plus graves.

Au mois de janvier 4800, en Provence, des régiments entiers,