Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
— 118 —
une sorte d’hiérophante ; celle d'Helvétius et de Saint-Lambert, qui en sont les hommes du monde, les moralistes à leur manière; celle du marquis d’Argens, qui en est plus particulièrement le sceptique; celle de d'Holbach, qui en a sans éclat lelourd et emphatique fanatisme ; de Delamettrie, qui en a Ja foliesans retenue ni pudeur; enfin, de Naigeon , de Sylvain Maréchal et de Delalande, qui en sont les confesseurs déclarés en tout ce qui est d’athéisme.
Mais ce n'est qu'à demi, ce n’est pas constamment et très-conséquemment celle de Voltaire, dont le bon sens, le génie et le cœur ont souvent d’autres inspirations. Ce n'est nullement celle de Rousseau , de Montesquieu, ni de Turgot; ce n’est pas même, à certains égards , celle qui est propre à Condillac.
Elle forme une école dans un parti, et ne s'étend pas à tout ce parti. Il y aplus, ily a mieux, il ya quelque chose de plus général, de plus puissant et de plus vrai pour animer et élever ces esprits occupés au fond de bien autres objets que de sensations; il y a en dehors et au-dessus de toute cette philosophie, et même de toute philosophie, un sentiment, un fait de conscience , un principe intime et actif, qui plus que toute théorie, tout système, fait leur vie et leur force; c'est le principe de liberté ou la foi qu'ils ont pour la société, parvenue à sa maturité, en sa capacité et en son droit de se gouverner par elle-même et dans une certaine mesure, et à de certaines conditions de participer à la direction des affaires publiques, de veiller et de travailler à la conduite de ses destinées. Cette foi, fruit de l'expérience et de la raison, résultat de cette longue éducation des peuples, qui n'est autre que la civilisation , et qui se fait par les mœurs,