Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
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il est sensible et de cette sensibilité physique, des besoins et des relations qu'elle engendre, on peut déduire tous ses droits naturels, de même que ses devoirs. Rien donc n’est plus contraire au but d’une sage législation et plus dangereux que de lier les droits de l’homme à l'existence de Dieu, et la morale à la religion (1), parce que toutes les idées religieuses étant par leur nature vagues, incertaines, vacillantes, comme toutes celles dont l'ignorance, la terreur et l'imagination ont été l’origine, l'évidence d’une religion quelconque est nécessairement dans tous les hommes une quantité variable; il y a tel période de l'existence où cette évidence est 0, et telle autre où elle est négative.
« Si donc au moment où l’on cesse de croire, on se rappelle ce que de stupides instituteurs ont répété tant de fois, qu'il n’y à ni probité, ni morale sans religion, et que celle-ci est le plus ferme appui de celle-là, ou on conclut de ce que la religion est fausse, que la morale qu'on avait fondée sur elle n’est ni plus vraie, ni plus obligatoire ni plus utile; que la force constitue le droit; que tous les devoirs de l’homme et du citoyen se réduisent à cette formule : Fais ce que tu voudras et ne sois pas pendu. »
Telle est la conséquence « de l'acquiescement , dit Naigeon , à un recueil, à un amas indigeste de dogmes obseurs, incohérents, et contraires aux notions communes. »
Ainsi des motifs sensibles, indépendants des temps, des lieux , des circonstances , déduits de la nature même de
(1) Se rappeler ici la thèse soutenue dans la Contagion sacrée et dans le dictionnaire encyclopédique (l'Encyclopédie méthodique ).