Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
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des devoirs, il faut lui parler de celui qui les lui prescrit. Quel nom plus auguste, plus grand peut-on placer à la tête de la déclaration, que celui de la divinité, que ce nom qui retentit dans toute la nature, dans tous les cœurs, que l'on trouve écrit sur la terre, et que nos yeux fixent encore dans les cieux. » La motion n’est peut-être pas de tout point écrite dans les meilleurs termes ; mais en elle-même elle n'a rien que de simple, de vrai et de sagement politique. La constitution des États-Unis ne commence pas par une autre pensée.
Mais on était en France et sur la fin d’un siècle, qui n'en était pas un précisément de croyance et de foi; il s’y était même déclaré dans les dernières années, parmi d’autres mouvements plein d'enthousiasme et d'élan, une précipitation hasardeuse au doute et à la négation. On était allé à l'excès en ce sens, et Naigeon peut-être plus qu'aucun autre, s'y était emporté, il devait donc être excité, mis en émoi par une telle motion, qui était aussi une doctrine, et on concoit à quelles réflexions il se livra pour la combattre. Voici comment il raisonnait : « Que l’homme soit aussi dépendant de Dieu qu’on le voudra, il n’en a pas moins ses droits im prescriptibles et sacrés, ses rapports nécessaires dérivant de la nature et par conséquent ses devoirs. Maïs ce n’est là qu'une hypothèse; à le considérer plus philosophiquement, c'est-à-dire comme portion nécessairement organisée d’une matière éternelle, nécessaire et douée d’une infinité de propriétés, tant connues qu'inconnues, ses droits ne soront ni plus étendus, ni plus invariables, ni plus sacrés. En effet que Dieu existe ou n'existe pas, l'homme est toujours ce qu'il est ; sa nature est la même partout; partout