Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
= (9 —
Mais un Dieu qui nous serait encore plus familier et plus intime, qui ne serait jamais loin de nous, puisque nous l'aurions en nous , ce serait nous-mêmes , à la condition de la sagesse :
« S'il faut un Dieu au peuple, il n’en faut point au sage : < Lui-même il est son Dieu. . .
Voilà donc un point bien établi pour le Lucrèce francais, pas de Dieu, ou pour Dieu, quelque chose de tout humain. Plus simplement il est athée. Mais on n'est pas athée sans cause; on l'est par quelques raisons dont il faut se rendre compte ; or l’auteur l'est en premier lieu par préjugé philosophique; en effet, au moment où il écrit, la philosophie de la sensation a tellement prévalu, et ses maximes sont tellement passées à l'état d’axiomes , qu'on rejette d'abord et sans examen tout ce qui les contrarie. Dieu leur est contraire; il n’y a donc qu'à le nier; c'est chose toute simple et qui va comme d'elle-même :
« Montrez-moi votre Dieu : pendant qu'on en raisonne , « Qu'il descende ici-bas et paraisse en personne. « Est-il de forme humaine... ?
« Mon cœur aime Daphné, quand je vois ses appas ; « Comment aimer un Dieu, que je m'aperçois pas.
« Non, je répugne à croire un Dieu dont l'évidence « Ne frappe pas autant que l'éclat des beaux jours.
« Dieu, pourquoi du soleil n’as-tu pas l'évidence ?
« I prouve en se levant sa brillante existence.