Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
— 180 « J'attends pour croire en Dieu, que David me l'ait peint.
«< L'existence de Dieu n’est qu'un mauvais roman.
Mais, il y a chez l’auteur un autre motif encore à sa passion d’athéisme, c’est une sorte de philanthropie, partiale, amère et chagrine, qui, à la vue des maux dont l'humanité est atteinte , n'hésite pas à s'élever contre Dieu et à le nier:
« La vertu malheureuse atteste contre Dieu.
« Du mal sous un Dieu ! prêtre, au sage, sans courroux, « Explique cette énigme , il tombe à tes genoux.
« Pour moi placé plus près du toit des misérables,
« Témoin trop impuissant des maux de mes semblables. « Une colère impie alors vient m'enflammer,
« Et si je pense à Dieu , c'est pour le blasphémer.
Le Lucrèce francais ne peut donc accepter un Dieu qui ne rend pas l’homme heureux ; il ne le tolèrerait, et ne lui passerait, si on me permet de le dire, l'existence , que s’il reconnaissait en lui une source de jouissance et de volupté. En bon Epicurien, il ne serait croyant , que s’il était conduit à la foi par le plaisir, et que sa religion lui vint de la sensation.
Mais une dernière raison pour lui, de révolte contre Dieu et de déclaration d'athéisme, se tire, non plus de la philosophie ou de la passion, mais du sentiment de la liberté,