Michelet et l'histoire de la Révolution française
28 MICHELET. — HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
parés beaucoup trop vite et n’ont pas apporté beaucoup de choses neuves à la science. Toutefois les premiers volumes, sur la Constituante, la Législalive et la Convention, dus à M. Jaurès, mérilent une attention particulière. En particulier le volume de la Constiluante, de beaucoup le plus nouveau et le plus solide.contient, non seulement des vues, mais des faits du plus vif intérêt sur l’élal social de la France sous Louis XVI, sur le rôle que la transformation des condilions économiques à joué dans le mouvement de 1789, et sur les résullats économiques el sociaux de œuvre de la Constituante. M. Jaurès a, dans une certaine mesure, renouvelé cette histoire et une grande partie des faits qu'il a signalés prendront place à l'avenir dans (out ce qu’on écrira et ce qu'on enseignera sur celle période.
Naturellement, à côté des ouvrages généraux sur la Révolution, tout un énorme travail de publications de documents et de monographies sur les divers points el les divers personnages de l’histoire révolutionnaire se produisait; et l'histoire de la Révolution se trouve ainsi, peu à peu, éclairée de tous les côtés (1).Les bonnes méthodes de travail se répandant peu à peu partout, un grand nombre de livres paraissent, qui sont composés dans un esprit d’absolue objectivité, et ceux même qui sont inspirés par des parti pris, soit favorables, soit hostiles à la Révolution, sont obligés de les dissimuler sous des apparences de méthode critique et scientifique. Il y à même là un danger très réel pour la vérité historique.
Je n’ai voulu, dans ce rapide exposé, que marquer les étapes suivies par le travail de l’érudition historique et de la liltérature historique dans l'étude générale de la Révolution, et montrer la place qu'y occupe l'œuvre de Michelet, œuvre empreinte de romantisme et animée par un inconlestable parti pris d’admiration pour la Révolution, maisœuvre d'un homme qui savail manier les textes, qui avait l'amour et le sens de la vie, el qui a su, d’une part, uliliser certaines sources restées fermées à ses devanciers, de l’autre voir des aspects de la psychologie collective de la nation pendant la Révolution que personne n’a rendus comme lui. Son œuvre, Lrès improvisée, très incomplète, pleine de défauts qui crèvent les yeux, ne peut cependant êlre négligée par aucun de ceux qui étudient la Révolution.
Gagriez Moon, de l’Institut.
(1) C'est dans ces travaux de détail qué se montrent mieux les progrès qu'a faits l'esprit scientifique dans l'étude de la Révolution. Des bibliographies comme celles de MM. Tourneux et Tuetey ; des publications de documents comme celle de la Correspondance de Mme Roland par M. Perroud, ou celle des Procès-verbaux du Comilé de lInstruction publique par M. Guillaume; des ouvrages sur des points particuliers de l'histoire de la Révolution, comme eeux de MM. Gomel, Mathiez, Lévy-Schneïder, Guyot, Chuquet et Aulard ; les innombrables travaux sur l’histoire de la Révolution dans les départements ; les vastes enquêtes entreprises par l'État et la Ville de Paris sur le Comité de salut public, sur les élections aux États généraux et aux assemblées révolutionnaires, sur l’histoire économique de la Révolution, sur le club des Jacobins, etc., elc.; -les études critiques qui paraissent constamment sur les documenis et mémoires de l’époque révolutionnaire, sans parler des nombreux et excellents livres que des auteurs étrangers ont consacrés à l’histoire de la Révolution française, apportent tous les jours à cette histoire des matériaux solides et éprouvés qui permettront bientôt de porter sur elle des jugements d'ensemble raisonnés, impartiaux et compétents.
a LAVAL. — IMPRIMERIE L BARNÉOUD ET Cie,
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