Michelet et l'histoire de la Révolution française

MICHELET. — HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE T

sacrant le cours de cette année aux causes et à l'esprit de la Révolution, que Michelet a essayé de dégager dans ses cours du Collège de France de 1844 à 1847 et dans l’Introduction à son /istoire de La Révolution française, j'aurai à peu près complété le cycle des grandes questions d'hisloire abordées par Michelet dans son enseignement et ses écrits, avant la Révolution de 1848.

Je nrefforcerai aujourd'hui de Marquer la place de l'Histoire de La Révolution de Michelet au milieu des ouvrages qui se sont succédé au xix° siècle sur celle grande époque.

On pouvait prévoir, quand Michelet écrivit, après la Révolution de 1830, son Zntroduction à l'Histoire universelle, qu'il se trouverait amené à écrire l’Æistoire de la Révolution avant même d’avoir achevé son Histoire de France. Dès sa première œuvre, sa traduction de Vico, on le voit préoccupé de comprendre quelle est la loi du développement de l’'Humanilé, el il adopte l’idée de Vico, d'après laquelle l'Humanité progresse par un travail intérieur sur elle-même. Dans l’/Zntroduction à l'Histoire universelle, Michelet présente ce lravail de l'âme humaine comme une lutte de la liberté contre la fatalité, et dans le cours du Collège de France de 1842, où il a tenté de tracer les linéaments d’une philosophie de l’hisloire, nous avons vu qu'il montrait l’âme humaine s’efforçant d’arriver à une harmonie parfaite, qui ferait de l'humanité comme une seule âme, et ne pouvant parvenir à cetle identité, à celle harmonie que par l'acquisition d'une liberté consciente d'elle-même, éclairée par la science créatrice de justice, et se développant sous l’action maternelle de la Providence ; or c’est là pour Michelet: la définition même «de l’œuvre de la France au xvnre siècle.

Dans l’{ntroduction de l'Histoire universelle, on voit nellement que Michelet se considère comme investi de la mission de faire connaître au monde le rôle de la France, et ce rôle est, si je puis dire, un rôle messianique. La France est destinée à conduire le monde dans les routes de l'avenir, à lui expliquer le Verbe social qui complètera le Verbe moral révélé par le Christianisme.

Bien que Michelet ne dise pas encore expressément que la Révolution française a été le commencement de cette révélation du verbe social, on voit que cette idée est présente à sa pensée à chaque page de son livre. Si la France fait la guerre, c'est pour faire part au monde « de ses lois, de sa liberté si forte et si pure » ; elle est «le creuset des idées et des institutions », et la Révolution française « à marié dans son Code civil les deux éléments romain et germanique ». La France est le pays de l’éloquence et de la prose, et « cette prose est l'expression du génie .démocralique moderne qui s’est dégagé de l’action du sacerdoce etde la royauté ». Elle est le pays « où l'individu parlicipe le plus complètement à l’ensemble ». Elle est plus que tout autre peuple une nation ; elle est Ja nation mixte par excellence : « toutes les f'atalités locales se neulralisent dans son unité! » En créant les départements, elle est arrivée à la centralisation par le morcellement. Aussi veut-elle la liberté dans l'égalité. « Sa