Michelet et l'histoire de la Révolution française

6 MICHELET. — HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

d'investigation et les résultats. Les travaux théoriques sur la méthodologie et la critique historique, sur la fonction de l'histoire et ses relations avec les autres sciences, se sont multipliés prodigieusement, particulièrement en Allemagne, pendant ces dérnières années, surtout depuis qu'une science nouvelle, sous le nom de sociologie, qui n’est à vrai dire qu'un effort pour donner des bases scientifiques à la philosophie de l’histoire, a tenté de se constituer, à côté de l'histoire, l'on pourrait presque dire aux dépens de l’histoire, car elle tend à prendre à l’histoire tout ce qui n’est pas purement individuel et éphémère, tout ce qui a un caractère de constance et de répétition, tout ce qui est susceptible d’être soumis à des généralisations et à des lois, en un mot tout ce qui n'a pas un intérêt de pure curiosité et de pure délectation, tout ce qui a une valeur instruetive et mérite par suite d’être retenu. La sociologie est loin d’être encore définie d'une manière précise. Les sociologues, les philosophes, les historiens, les juristes, les économistes et les savants diseutent beaucoup et discuteront longtemps encore sur sa méthode et sur son objet propre. Mais il serait injuste de méconnaître qu'en travaillant à se tailler un domaine particulier sur et entré les domaines de la philosophie, de la psychologie, de l'histoire, du droit, de l'économie sociale et même de la morale, elle a ouvert de nouveaux horizons et a donné aux recherches historiques une portée el un caractère nouveaux. Je ne doute pas que les travaux des sociologues et les querelles qui ne pourront manquer de s'éléver entre historiens et sociologues auront les résultats les plus féconds et les plus heureux pour l’histoire, et donneront naissance à une conception plus élevée et plus large de la méthode historique. Pour moi, dans les cours que j'ai professés ici, en prenant pour point de départ l’étude critique de la vie,'de l'œuvre et de l’enseignement d’un des historiens les plus originaux et par suite les plus discutés et les plus discutables du xix° siècle, sur lequel j'ai le privilège de posséder un riche trésor de documents inédits, j’ai eu constamment devant les yeux la tâche que le titre même de mon cours m'imposait : étudier à propos de questions d'histoire générale les principes de la méthode historique. Il est peu de questions de critique, de méthode et de pédagogie historiques que je n'aie eu occasion d'aborder, et en même temps j'ai traité une série de sujets d'histoire générale, en m'efforçant toujours beaucoup plus de préciser l'esprit et la méthode d’après lesquels ils doivent être étudiés, que de les traiter dans le menu détail.

J'ai ainsi examiné une série de questions d’ethnographie, de géographie historique, de psychologie historique, d'histoire ancienne et d’histoire du moyen âge ; j'ai été amené à consacrer un grand nombre de leçons à l’histoire de la philosophie de l’histoire et à l'histoire des idées philosophiques et religieuses au xrxe siècle. J’ai même touché à la sociologie à propos des Origines du Droit de Michelet. Enfin, l'an dernier, j'ai consacré l’année tout entière à l’étude de la réforme religieuse et de la place occupée dans cette réforme par la Société de Jésus.

D’après la conception que Michelet s'était faite, dans son cours de 1842, de la philosophie de l’histoire et du rôle de la France dans l’histoire de la civilisation, les deux moments essentiels de l’évolution de la eivilisation moderne étaient, d’une part la Renaissance et la Réforme, que j’ai étudiées l'an dernier, de l’autre le xvme siècle et la Révolution. En con-

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