Mirabeau

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Pour vivre et faire vivre celle qu’il avait emmenée avec lui, Mirabeau se mit au service des libraires, particulièrement de Marc-Michel Rey, l'éditeur de J.-J. Rousseau. Après avoir attendu du travail plus de trois mois, il finit par gagner quelque chose comme un louis par jour par des traductions de l'anglais et d’autres ouvrages, travaillant depuis six heures dumatin jusqu’à neuf heures du soir. Mais au milieu de sa détresse et des fastidieux travaux de librairie auxquels il était condamné, il ne perdit pas de vue son grand ennemi, l'ennemi du genre humain : le despotisme. Le premier ouvrage qui l’occupe aussitôt après son installation, à Amsterdam, fut un Avis aux Hessois (Clèves, 1777) qui avait pour but de conseiller aux soldats vendus par leur prince aux Anglais pour aller combattre les insur-

_gents en Amérique, de ne pas se prêter à un pareil marché. Il leur rappelait que tous ne furent pas faits pour un, qu'il est une autorité supérieure à toutes les autorités, celle de la conscience, et que celui qui commande un crime ne doit point être obéi. Cette adresse produisit un tel effet, que le landgrave de Hesse fut forcé d'aller embarquer lui: même ses troupes.

La haïne du despotisme était chez Mirabeau la grande passion qu'aucune autre ne lui pouvait faire oublier. J'ai déjà dit qu’il avait profité de son séjour en Hollande pour faire imprimer son Essai sur le Despotisme, composé pendant son séjour à Manosque. Dans un écrit intitulé : Le lecteur y mettra le titre, et dont le sujet était la musique, il établissait avec beaucoup de force que le despotisme détruit les arts après les avoir avilis. Il ne manquait pas une Occasion de combattre le monstre.

La retraite des deux fugitifs ne pouvait échapper longtemps aux limiers de police envoyés à leur recherche. Le 10 mai 1777, un jugement du bailliage de Pontarlier, déclarant Mirabeau atteint et convaincu du crime de rapt et