Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre

ORIGINE DU CHANT DU DÉPART. 67

Signalons encore celles de la cinquième sans-culottide, an I (21 septembre 1794) et du 10 prairial an IV (39 mai 1706)

Nous avons dit que contrairement à l'opinion admise, la première audition publique du Chant du Départ de Chénier et Méhul est antérieure au 14 juillet 1794 et qu'il faut la placer à l’époque de la célébration de la prise d'Ostende, c'est-à-dire au 4 juillet et peut-être même au 29 juin, jour de la fête en l'honneur de la victoire de Fleurus. Avant d'entrer dans le détail des documents sur lesquels nous fondons l'opinion que nous avons émise publiquement pour la première fois, à l’occasion de l’inauguration de la statue de Méhul à Givett, il convient de faire l'exposé des contradictions et obscurités entre lesquelles se sont vainement débattus ceux qui ont traité de l’origine du magnifique chant de Méhul. Plusieurs versions ont cours : Aucune d'elles ne donne de renseignements absolument précis, d’où la difficulté de retracer avec exactitude l’histoire du Chant du Départ.

La tradition la plus connue, celle qu'a reproduite Lassabathie (Histoire du Conservatoire, 1860, p. 20), nous apprend que Chénier étant caché chez Sarrette, alors directeur de l’Institut national de musique d’où sortit le Conservatoire, composa les paroles du Chant du Départ, destiné à célébrer le cinquième anniversaire de la prise de la Bastille et que Méhul en écrivit la musique sur le coin de la cheminée du salon, au milieu de bruyantes conversations.

Arnault, collaborateur et ami intime de Méhul, est auteur de deux versions contradictoires, ce qui est inexplicable de la part d’un même écrivain.

Dans la première, publiée en tête des œuvres de M.-J. Chénier (1824-26), Arnault dit qu'un matin, chez Méhul, il rencontra Chénier qui venait prier ce compositeur de mettre en musique le Chant du Départ « qui fut entendu pour la première fois dans les champs de Fleurus, le jour même de la victoire. » Dans la seconde, insérée dans les Souvenirs d’un sexagénaire (1833), cet écrivain raconte dans quelle circonstance Méhul lui donna connaissance de l'hymne qu'il venait de composer sur la poésie de Chénier, à l’époque des répétitions de Mélidore et Phrosine.

Donc, rien de précis dans ces anecdotes, quant à l'origine du Chant du Départ, la victoire de Fleurus datant du 26 juin et la première représentation de Mélidore et Phrosine ayant eu lieu le 6 mai.

Pour ce qui est de la premitreexécution de ce chant, même obscurité, même absence de renseignements — dans les auteurs qui ont traité ce sujet.

L'opinion générale est que le Chant du Départ fut exécuté pour la première fois, à Paris, le jour de la fête donnée pour l'anniversaire de ja prise de la Bastille, quoique cependant les Jourmaux du temps restent mucts à son sujet en rendant compte de cette fête. On a cité le Mercure du 30 messidor (18 juillet), qui donne des détails très précis et très complets sur la partie musicale, sans qu'il soit aucunement question du Chant du Départ, et, en désespoir de cause, on est arrivé à supposer qu'il fut peut-être exécuté ailleurs qu'au jardin national, bien qu'on ne puisse en fournir la preuve.

De tout ce qui précéde, il résulte que l’on n'a pu établir jusqu'ici ni la date de la composition du Chant du Départ, ni celle de la première audition et que l'on n'a apporté aucun témoignage positif de son exécution le 14 juillet 1704.

Des recherches couronnées de succès, nous permettent de faire la lumière sur quelques-uns de ces divers points. |

Pour déterminer, à défaut de renseignements précis, la date de composition du Chant du Départ, on doit tenir compte des circonstances qui ont présidé à sa naissance et se pénétrer de son caractère, de son but ainsi que des sentiments exprimés par le poète. Ilne faut pas un bien long examen pour se convaincre que c'est un @ hymne de guerre » (comme l'indique d’ailleurs son sous-titre), destiné à exciter le zèle et le courage des citoyens, où tour à tour, les méêres, les vieillards, les épouses, les jeunes filles ete, viennent, en des strophes vibrantes, enflammer leur ardeur ou faire appel à leur dévouement pour la défense de la patrie. Or, n'est-ce pas dans une situation parüculièrement critique, devant un danger pressant, tel que se trouva notre pays après les premiers revers essuyés par plusieurs de nos armées, qu'un chant qui synthétise si superbement l'état d'âme du peuple ardent à venger ses défaites et à conquérir sa liberté, put prendre naissance ?

Un recueil que nous avons déjà cité bien des fois, commencé en l'an VII nous le répétons, semble confirmer cette opinion, en faisant suivre de ces mots le titre très significatif par lui-même, de l’œuvre de Chénier et Méhul : « chanté à l'époque de la réquisition générale des français, l'an premier de la « République et pendant les campagnes de la guerre de la liberté. » La première réquisition ayant été décrétée par la Convention, cèdant à la pression populaire, au mois d'août 1793 qui correspond à l’an premier du calendrier républicain, cette mention ferait reporter au début de cette période l’éclosion du Chant du Départ, si l'on ne savait qu'il y eut plusieurs réquisitions et si le premier vers de Chénier :

La victoire en chantant nous ouvre la barrière... n'indiquait clairement qu'il fut concu seulement lorsque commença la série de victoires dont nous rappeJons en ce moment la célébration, c’est-à-dire au mois de juin 1794.

1 Nous avons résumé très sommairement dans le #onde Musical, du 30 septembre 1892, les documents que

nous allons publier. Quantité de journaux quotidiens ont alors annoncé notre découverte : La Nation du 30 septem-

bre, l'Zcho de Paris, le Temps ete, du 3 octobre. Dans son feuilleton du Libéral, (10 octobre), M. A. Dayrolles à exposé la question et donné quelques détails, à la suite d’une conversation que nous avons eue ensemble à ce sujet.