Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre

70 FETES DES 30 VENDEMIAIRE III (21 OCT. 1794). — 10 PRAIRIAL AN IV (29 MAI 1796).

la Convention se donnait en spectacle et qui occupant la journée entière, fatiguaient le peuple sans l’amuser; les représentations théâtrales furent aussi abandonnées parce qu’elles excitaient l’avidité des entrepreneurs, et qu'une faible partie du peuple en profitait. La prépondérance appartint aux exercices physiques : gymnastique et évolutions militaires. ‘

Les sections rassemblées dès le matin au signal donné par le carillon de la Samaritaine, se rendirent au champ de la Fédération avec drapeaux et flammes où la Convention, réunie à l'Ecole militaire, et précédée de l’Institut national de musique arriva ensuite et se plaça sur un rocher présentant l’aspect d'une redoute, élevé au milieu du champ. Après le discours d'usage et l'exécution du Chant du Départ, les élèves du camp de Mars firent le simulacre de l'attaque d’une forteresse et l’enlevèrent d'assaut aux grands applaudissements des assistants. Puis la Convention se dirigea vers le temple de l’Immortalité, situé entre le rocher central et l'Ecole militaire et, les élèves de Mars, entourant les blessés des armées suivis du char de la Victoire, formèrent une marche triomphale qui fit le tour du champ, avant de rejoindre les représentants du peuple au temple de l’Immortalité. Les trophées d'armes et de drapeaux pris à l'ennemi ayant été déposés, le président, au nom du peuple français, grava sur une pyramide, le nom des armées de la République et de leurs victoires!. L’audition d’un nouvel hymne, le chant des triomphes de la France appelé aussi le chant des triomphes de la République française (p. 86), dû à la collaboration de Laharpe et de Lesueur, est le seul événement à noter concernant la partie musicale?. Cet hymne rappelle à la fois la Marseillaise et l'air de Richard (Si l'univers entier m'oublie), mais surtout le premier. C’est intentionnellement sans aueun doute, que Lesueur a fait son motif initial de cette réminiscence, qui revient à plusieurs reprises. La mélodie est originale et pleine de fierté; on y remarque beaucoup d’anticipations hardies pour l’époque, de même qu'une succession de tierces par mouvement descendant, à la basse (dans les premières mesures), qui pour n'être pas absolument nouvelles, témoignent d’une certaine liberté d'écriture. Lesueur n’a pas manqué non plus de faire usage du procédé dont la Marseillaise et le Chant du Départ tirent un de leurs prineipaux effets : l’altération de la tierce (19° mesure). Au point de vue de l’orchestration, cette œuvre de Lesueur n'offre rien de bien marquant. Comme les précédentes, elle ne comprend que des instruments à vent dont la tâche est de suivre les parties vocales, mais non d’une façon constante. L'auteur leur a ménagé des entrées successives et des repos, ce qui contribue à donner une certaine couleur à l’ensemble, en rompant avec la monotonie que présentent certaines œuvres où les instruments jouent tous à la fois et jusqu’à la fin. Notons aussi l'emploi des hautbois, absents de la plupart des morceaux de cette époque. Les parties séparées d'instruments ayant été publiées dans la g° livraison de Musique à l'usage des fêtes nationales (frimaire IT, nov. déc. 1794.) dont il a été fait ensuite un tirage à part, nous ne donnons ci-après pour ce motif et pour les raisons sus-énoncées — que les parties de chant avec la réduction d'orchestre, accompagnée d'indications qui suffisent à faire connaître la part des instruments ?.

La journée du 30 vendémiaire se termina par l'illumination d’un petit monument élevé sur le bassin des Tuileries où avait été placée une urne consacrée aux mânes des guerriers morts pour la défense de la Patrie, sur laquelle une députation de la Convention vint déposer au nom de la nation, une couronne de chêne #. Au théâtre des Arts (Opéra), on exécuta le Chant du Départ avant la représentation de Toute la Grèce, pièce patriotique en un acte de Lemoyne jouée pour la première fois le 5 janvier 1704 et un hymne à la victoire sur l'évacuation du territoire français, précéda le ballet Télémaque.

La loi du 3 brumaire an IV (25 oct. 17095), sur l'instruction publique, institua diverses fêtes nationales annuelles, dont cinq d’entre elles avaient un caractère absolument moral. L'une d’elles, fixée au 10 prairial, devait être consacrée à la Reconnaissance. Lorsque l’on voulut fêter l’heureux début de la campagne d'Italie, dont le plan avait été combiné par le Directoire dans un but politique et économique, on songea un instant à fixer la cérémonie au 30 floréal (19 maï 17965), mais l'approche du jour de la célébration de la fête de la Reconnaissance fournissant € une occasion naturelle d’en témoigner, « au nom de la nation française, un gage public à ceux qui l’avaient le mieux mérité », une loi du 18 floréal (7 mai) confondit les deux fêtes en une seulef. Par un arrêté du 20 du même mois, le Directoire fit connaître les grandes lignes du programme, détaillées dans un ordre postérieurs.

En conséquence, le 10 prairial an IV (29 mai 1796), la garde nationale prit les armes et se rendit au Champ de Mars, dit alors de la Réunion, pour y recevoir le Directoire, les ministres et le corps diplomatique. L'espace avait été décoré superbement et d’une façon toute nouvelle. Au centre, à la place de l'autel de la Patrie, était une plate-forme à laquelle on accédait par quatre larges rampes. Au bas de chacune étaient placés deux énormes lions; sur le monticule, 14 arbres représentant les armées et supportant des trophées de drapeaux et des boucliers sur lesquels était inscrit le nom de chacune d'elles. Une figure assise de la Liberté s'élevait au milieu, appuyant une main sur la Constitution et

1. Voir pour plus de détails : Le Moniteur, n° 33 du 24 oct. p. 145, -- Le Mercure du 5 brum. IT (26 oct. t. 19, p. 219. — Journal de Paris, etc.

2, Ajoutons cependant que par lettre du 28 vendémiaire (19 oct.) le Comité d'instruction publique autorisa le citoyen Perrin à faire graver et distribuer au nombre de 12.000 exemplaires, une chanson dont il était l'auteur : « Ah! quel beau jour! qu’il à de charmes... »

3. Les strophes de Laharpe ont été publiées dans la Décade philosophique, t. NL p.230.

4. C'est là que dix jours avant, avaient été déposées l°s cendres de J.-J, Rousseau.

5 Rapport de Daubermesnil au Conseil des Cinq-Gents, séance du 7 floréal an IV — 26 avril 1796 (Arch. nat. AD NIIL 47.). — 56 Bull. des lois, 2 série, n°0 386, — 7 /dem, n° 387, — 8 Ordre spécial de la marche, etc., in-49 (Arch, nat. AD VII. 19.).

Bo nn.