Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux
NAPOLÉOX.
BONAPARTE. Vous vous trompez : elles me rappellent les prem ières années que j'ai passées à Brienne. J'étais heureux alors... ( Entre Joséphine.) Eh bien ! que viens-tu faire ici, Joséphine? — Voulez-vous nous laisser, Charles?
(Charles sort.)
VOSECOCOILODEDE LOG OCOGECOCOS CHE 06 0000080082 SCENE VII. BONAPARTE, JOSÉPHINE.
BONAPARTE. Tu n’es pas encore en costume ?
JOSÉPHINE, Non, mon ami; ce manteau impérial me coûte à jeter sur mes épaules. — Oh ! dis-moi : —n’as-tu pas de funestes pressentimens ?
BOXAPaRTE. Moi, non ; et lesquels?
JOSÉPMINE. Ne crains-tu pas que la fortune ne puisse te reconnaitre sous ton nouveau titre? Elle te cherchera sous une tente et te trouvera sur un trône.
BONAPARTE. Enfant! Eh! serai-je jamais autre chose que le soldat de Toulon, le général d’Arcole ou le consul de Marengo ? Ma fortune m'a toujours suivi ; pourquoi veux-tu qu’elle s'arrête quand je vais toucher le but? Pourquoi l'étoile de Bonaparte ne serait-elle pas celle de Napoléon ?
JOSÉPHINE. Oh! n'étais-tu pas assez grand ?
BONAPARTE. Crois-tu que ce soit une vaine ambition qui me fasse désirer un nouveau titre ? crois-tu que je ne m'’estime pas ce que je vaux ? — et que le manteau impérial ou la main de la justice me donneront à moi une plus haute opinion de moi? L'Europe est nee ;—et ma mission est de la régénérer : — il faut que je l’accomplisse. Je ne Ur ais pas être empereur, que le peuple im'’élèverait malgré moi sur le pavois impérial. Mais je veux l'être, parce que, de même que seul je pouvais sauver la France , seul je puis la consoli«der. Général, un boulet pouvait m’emporter, et avec moi étaient perdues mes victoires. Consul à tems, un coup d'état, un coup de main peut me chasser comme j'ai chassé le Directoire; consul à vie, il suffit d’un assassin , — et Cadoudal attend encore sous les verrous la peine d’un crime qu'il ne tente pas même de nier. Depuis quatre ans et demi que dure le consulat , la France est placée en viager sur ma: tête ; l'empire et l’hérédité peuvent seuls... — Mais que je suis fou de faire de la politique avec toi, frivole et jolie, conseiller bâti de gaze et de dentelle! Non, ma Joséphine, plus de ces conver-
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sations, elles attristent tes yeux et ta bouche , et tous deux doivent sourire : soulage les malheureux , achète des chiffons et fais des dettes, beaucoup de dettes : voilà ta vocation à toi; suis-la, et ne tente pas d’arreter la mienne. — Ce n’est pas la plus heureuse !
JOSÉPHINE. Pardon ! core te dire...
BONAPARTE. Quoi ?
JOSÉPHINE. Tu parles d’hérédité ! pour qui?
BONAPARTE. J'aurai un fils , Joséphine, Le destin ne m'a pas conduit si haut par la main ponr m'abandonner uno” Peut-être serai-je malheureux un jour ; mais c’est quand il n’aura plus rien à rv’accorder, —quand, comblé de tous les biens, je ne pourrai plus que descendre. Mon existence est une de ces grandes combinaisons du sort que la fortune eue compléter, dans son bonheur comme dans ses revers. — Joséphine, j'aurai un fils.
JOSÉPHINE. Mon Dieu ! quelle est donc ton intention ?..…. Ecoute, j'adopterai qui tu voudras ; tout enfant que tu me présenteras, en me disant : « Aime-le, » je l'aimerai comme j'aime Eugène, — mon Eugène ; ce sera mon fils, aussi cher que si je l’avais porté dans mon sein...
BONAPARTE. Eh bien! Joséphine, —oui, — si le sort me refuse un fils, oui, j'en adopterai un digne de moi, qui aura le cœur de sa mère — et le courage de son père... — Me comprends-tu ?
JOSÉPHINE. Oh! je n’ose espérer.
BONAPARTE. Espère.
JOSÉPHINE. Eugène.
BOXAPARTE. Eugène Beauharnais.
JOSÉPHINE. O mon ami! mon Bonaparte |
BONAPARTE. Allez, mon impératrice ! Notre-Dame vous attend ; et j'ai une couronne d’or à mettre sur vos beaux theVEUX. JOSÉPHINE , avec mélancolie. Ami, J'aimerais mieux les fleurs de la Malmaison. —Mais je YEUX en-
(Elle sort.)
BOXAPARTE. Bonne Joséphine! — Qu’y a-t-il, Charles?
CHARLES. Le sénat vient vous supplier d'accepter l'empire.
BONAPARTE. Dans un instant je vais le recevoir,
(1 sort.)