Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux
À
94 LÉ MAGASIN THÉATRAL,
UN MARÉCHAL. Sire , le feu ! le feu! on ne peut plus rester ici.
NAPOLÉON, frappant du pied. J'y reste bien, moi! — et m’écrase ce palais plutôt que d’en sortir pour retourner en France ! À Saint-Pétersbourg ! Là, la paix, la gloire, les regards du monde, les applaudissemens de l’univers!— Non! vous ne voulez pas ! Eh bien! meure le projet le plus gigantesque qu’ait enfanté le cerveau d’un homme ! Vous croyez ne m'ôter que Moscou net vous m'arrachez le monde. ( 1/ déchire la carte.) Vous voulez la retraite? eh bien! vous l’aurez ; et tombent sur vous tous les malheurs de cette funeste retraite! Allez tout ordonner pour elle ,— et laissez-moi. Ah ! laissez-moi, vous dis-je ; je vous l’ordonne , je le veux.
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SCÈNE IX. NAPOLÉON , puis L’ESPION.
NAPOLÉON , seul. Oh! c’est une mer de feu! — Faiblesse humaine! le souffle de Dieu seul pourrait éteindre cet incendie! O Napoléon ! tu te crois plus qu’un homme, parce que tu couvres la moitié de la terre de tes tentes et de tes soldats ; parce qu'un
mot de toi renverse des rois et déplace des trônes. Eh bien ! te voilà faible > Sans pouvoir , en face de l'incendie. Chaque pied de terrain qu’il gagne te dévore un empire, Napoléon! Napoléon !.….. Eh bien ! essaie ta puissance, ordonne à ce feu de s’éteindre, à cet incendie de reculer, et s'ils obéissent, tu es plus qu’un homme, tu es presqu'un dieu. —Oh! mes plus belles provinces pour Moscou. Rome, Naples, Florence , mon Italie tout entière ; je pourrai la reprendre; mais Moscou, Moscou ,
jamais !
L'ESPION , se précipitant. Sire, au nom du ciel! Sire , le Kremlin est miné ! mon Dieu! les escaliers craquent, les portes s’embrasent. Vous êtes sous un ciel de feu, sur une terre de feu , entre deux murailles de feu.
NAPOLÉON. Moscou ! Moscou !
L’ESPION , Se tournant vers La porte. Grenadiers, à moi, à l’empereur! sauvez l’empereur. Par ici, par ici ; il ne veut pas sortir, et le Kremlin est miné.
(Les grenadiers entrent.)
NAPOLÉON , revenant à lui, avec calme. Soldats, détachez la croix d’or du grand Iwan;—elle ira bien au dôme des Invalides.
CU sort.—Le théâtre change.)
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juitième Œableau.
Une masure sur les bords de la Bérésina.
-SCENE X.
L’ESPION, puis UNE FEMME, DES SOLDATS.
L'ESPION , entrant, la brbe longue et couverte de glaçons et de neige. Une masure ! du moins Napoléon aura un abri pour cette nuit. Quel tems ! quel pays! — Désolation ! Ah! voilà du feu... — les Cosaques l’abandonnent à peine; mais avec quoi le rallumer? (4rrachant un voler.) Bien! ce contrevent! — mon manteau le remplaCÉrA. (Hi rallume le feu et suspend son manteau devant la fenêtre.)
UN JEUNE HOMME , Se érairant jusqu’à la porte. Du feu ! pitié, secours !
L’ESPION, prenant son fusil. Au large, c’est la cabane de l’empereur,
LE JEUNE HOMME. Oh ! au nom de l’empereur,, grâce, grâce , je suis une femme.
L'ESPION, Une femme !
LA FEMME. Oui , oui. Me sauverez-vous si je suis une femme?
. ESPION. Viens ici, et réchauffe-toi.
LA FEMME. Vous n'avez rien à me donner ?
L'ESPION. Quelques gouttes de ce vin. (Lui donnant une gourde.) Ge que vous laisserez sera pour l’empereur. — 11 est sauvé, n'est-ce pas ?
LA FEMME. Oui, et à tems. — Vous ne savez pas... le pont fléchit.
L'ESPION. Si, si, je Le sais. ( A des militaïres qui veulent entrer.) Avrière ! c’est la cabane de l’empereur.
LES SOLDATS. Allons plus loin.
LA FEMME. Et croyez-vous que l’empereur trouve cette cabane ?
L’ESPION prend un tison enflamme et l’agile sur la porte. L'empereur ! l’empereur !
SOLDATS , dans l'éloignement. Hé!
SOLDATS , à l’espion. Camarade, du feu, hein ! Donnez-nous du feu !