Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux
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SIR HUBSON LOWE. On en plantera d’autres. NAPOLÉON, se levant. Malheureux! Et que voulez-vous faire de Santini?
SIR HUDSON LOWE. Le renvoyer en France.
NAPOLÉON. Oh! je vousle livre alors, et de #rand cœur !... Seulement je demande à lui dire adieu... Vous le fouillerez en sortant. Si c’est tout ce que vous aviez à me dire... allez.
SIR HUDSON LOWE. J'ai recu des ordres de mon gouvernement pour restreindre la dépense de votre table.
NAPOLÉON. Je ne croyais pas que ce fût possible. Et que m’accorde-t-on ?
SIR HUDSON LOWE. À compter d’aujourd’hui, vous n'aurez qu’une tablede quatre personnes; une bouteille de vin par tête, et un diner prié par semaine...
NAPOLÉON. C’est bien : vous pouvez restreindre encore, et si j’ai trop faim, j'irai 7 S à h9e nr'asseoir à la table du 53°. Ce sont des braves ; ils ont recu le baptême de feu... Ils ne repousseront pas le plus vieux soldat de l’Europe. Est-ce tout ?
SIR HUDSON LOWE. J’aià vous demander compte du refus que vous avez fait de mon médecin... Les vôtres peuvent mourir ou retourner en France , et alors qui prendra soin de votre santé?
NAPOLÉON. J'ai refusé votre médecin, parce qu’il est le vôtre, et que nous vous croyons capable de tout... mais vous entendez : de tout! Et tant que vous resterez avec votre haine , nous resterons avec notre pensée.
SIR HUDSON LOWE, Vous avez tort. Moi qui ai demandé pour vous en Angleterreun palais de bois et des meubles.
NAPOLÉON. Je n’ai besoin ni de meubles ni de palais; je ne demande qu’un bourreau et un linceul. Marchand, mes bottes; je vais monter à cheval.
MARCHAND. Les voilà, sire,
NAPOLÉON. Ce sont des bottes neuves?..
MARCHAND, Oui.
NAPOLÉON. Où les as-tu eues ?
MARCHRND. Sire.…
NAPOLÉON. Où les as-tu eues? J'espère que‘tu ne te serais pas abaissé à en demander à ce gouverneur!
MARCHAND. Non, sire... non! maisil y à long-tems que, sans le dire à votre
LE MAGASIN THÉATRAL,
majesté... J'essaie. je tente... Enfin.:: c’est moi qui les ai faites. NAPOLÉON, lui serrant la main. Mon ami |... Voyez ceci , sir Hudson Lowe! et rendez-en compte à votre gouvernement.
SIR HUDSON LOWE. Vous êtes décidé à monter à cheval?
NAPOLÉON. Oui.
SIR HUDSON LOWE. Je ‘vais donc donner l’ordre au sous-officier qui vous servira d’escorte...
NAPOLÉON. Ah! j'aurai un geôlier cavalcadour !... Otez mes bottes , Marchand ; je ne monierai pas à cheval. Je prendrai un bain,
SIR HUDSON LOWE. Vous en avez déjà pris un ce matin, et l’eau est rare dans ?4
ile.
* NAPOLÉON, après une pause. Ecrivez, Las Cases. (4 sir Hudson Lowe.) Restez, monsieur. (Dictant.) « Ce qui fera la honte » du gouvernement anglais, ce ne sera pas » de m'avoir envoyéà Sainte-Hélène, mais » d’en avoir donné le commandement à » sir Hudson Lowe. Quant à lui... à comp» ter d'aujourd'hui, je voue son nom à » l’exécration des peuples ; et quand on » voudra dire un peu plus qu'un geôlier ; » un peu moins qu'un bourreau...ondira : . » Sir Hudson Lowe.., » (11 pousse avec violence la porte, qui se ferme sur Le gouverneur.) .… Ah! je sentais que je prenais ma figure d’ouragan, et je ne voulais pas compromettre ma colère avec cet homine... Eh bien ! quand vous vous plaigniez du brave amiral George Cockburn !... C'était un homme un peu massif, un peu brusque, un peu requin | mais celui-ci... c’est un fléau plus grand que toutes les misères de cet affreux rocher...
LAS CASES. Sire, il fallait toujours sortir. Le docteur O’Meara vous a prescrit l’exercice du cheval.
NAPOLÉON. Oui... oui... je sais bien que j'en aurais besoin ; mais comment voulezvous que jee trouve bien d'une promenade limitée comme un manége?. moi qui faisais tous les jours quinze ou vingt lieues à cheval! moi que mes ennemis avaient surnommé /e cent mille hommes ! Marchand, donnez-moi mes éperons. (4 Las Cases.) Tenez, Las Cases, voilà les éperons que je portais à DreSde et à ChampAubert; je vous les donne, mon ami; garder-les ; je ne monterai plus à cheval.
LAS CASES, à genoux, Votre majesté me