Observations du comte de Lally-Tolendal sur la lettre écrite par M. le comte de Mirabeau au Comité des recherches, contre M. le comte de Saint-Priest, ministre d'État

2 caufer un feul moment d'inquiétude ! VoilA l’idée qui m'en traîne, voilà le fentiment auquel je me dévoue. Je fais à quoi je m’expole. En attaquant M. de Mirabeau, je fuis fon précepte ; j'oublie jufqu’aux regles de la prudence : mais je me dis que mon imprudence fert l’intérér public , qu’elle ne compromet que moi, & je fuis prèt à tout,

Chez les Romains libres, chez rous les peuples qui ont eftimé les mœurs & connu la juflice, pour peu qu’une accufation fût incertaine, conteflée, c’étoit une marche conf tamment fuivie, que de comparer l’accufateur avec l’accufé. Ll étoit tel accufé que fon nom feul fembloit condamner d'avance, comme il étoit tel accufateur que le fien notoit déjà de calomnie. V oyons d’abord ce qu'a été & ce qu’eft M. de Saint-Prieft.

M. de Saint - Prieft, dès fa premiere jeunefle , a fervi dans l’armée : il a été enfuite employé aux négociations & “envoyé à différentes cours. Ii a mérité, dans lune de ces deux carrieres , la réputation d’un brave & loyal militaire ; dans l'autre, celle d’un négociateur diftingué ; dans les deux, celle d’un homme integre & vertueux, également zélé pour Pétat & pour le roi. Dans des circonftances périlleufes , il a montré un grand courage ; dans des circon{tances difficiles , il a rendu de grands fervices.

On ne veut pas aujourd’hui que ces fervices aient été rendus à la patrie, parce que dans ce temps-là , dit le dénonciateur , nous davions pas de patrie ( page 15 ).

Mais c’en eft trop aufli de prétendre que, pendant 1400 ans, les François n’ont pas eu de patrie; que Bayard , Duguefclin, P Hôpital , Sully, Molé, Turenne, Villars, d’Aguefleau, Fénelon, n’ont point fervi la patrie; qu’enfin il n’y a de patrie en France que depuis qu'on y piile les biens, qu'on y brûle les maifons & qu'on y aflafline les hommes.

Je n’en tiendrai pas moins compte à M. de Saint-Prieft des fervices qu'il a rendus à l'état & au roi ; comme de fervices rendus à la patrie. Arrivé au miniflere » il à embraffé les opinions de M. Necker, a foutenu avec lui la caufe populaire , a été comme lui vidime des confeils qui, pendant quelques jours , ont furpris la vertu du roi. L’aflemblée nationale à déclaré que M. de Saint-Prieft “ avoit emporté leftime & les regrets de la nation » ; elle lui a fait adreffer une copie de cette déclaration ; enfin elle alloit fap-

spligrle roi de le rappeler avec M. Necker & M.de Mont1MOU, lorfque ce vœu a. été prévenu par S. M, Du reile,

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