Oeuvres diverses, str. 233
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Ün des joujoux offerts par M. Simon à cette clienile d'élite porte le nom de Religion naturelle. La religion est à la nature ce que le rêve est à la réalité, l'ombre au corps, l’hallucination à la lucidité.
Peut-être M. Simon veut-il appliquer à la religion les théories des disciples de Rousseau sur le retour à l'état sauvage ? Mais à mesure que nous avançons dans les âges, le spectacle le plus hideux s'offre à nos yeux. Le nègre tremble devant son fétiche, le sémite jette son enfant dans l’idole rougie, Abraham traîne son fils Isaac sur le Moryak, le Scythe égorge ses captifs en face du glaive sacré éternellement arrosé de sang humain ; partout le massacre, l'horreur, l’antropophagie même. Telles sont les premières apparitions d’une idée, fille de l'ignorance, et dont le dogme fut toujours, sous des formes diverses, le sacrifice ou la torture du genre humain. Est-ce à cette religion, malheureusement trop naturelle, puisqu'on la retrouve au berceau de tous les peupless que M. Simon entend nous ramener ? Non sans doute. Lorsqu'une société ou une philosophie va périr, elle se sent prise d’un irrésistible besoin de jeunesse et d'amour; elle tente de cacher sa décrépitude sous des fleurs, elle veut respirer encore, ne füt-ce qu’une fois, l’âcre senteur des champs et des plaines ; alors les marquis se déguisent en bergers du Tendre, les comtesses gardent les moutons de la Deshoulières et une reine se fait laitière à Trianon : Watteau peint et Florian rime des pastorales. Vains efforts! Le vice perce sous le masque et couvre d’un voile hideux la nature; en dépit des brebis et des houlettes, ces marquis sont des roués, ces comtesses des courtisanes, ce paysage une charmille de petite-maison. Rien de plus décrépit, de plus mauvais goût que ces aspirants à la nature et à la simplicité. Le genre lui-même se définit : le rococo. Disciple d'idées vieillottes, dont l’affaissement lui semble un retour de jeunesse, il nous donne un lugubre
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