Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

124 OEUVRES POLITIQUES DE FABRE D'ÉGLANTINE

la véritable cause du surhaussement des denrées; car le fabricant et par suite le marchand, qui ne veulent jamais perdre, et qui veulent au contraire toujours gagner, suivent le cours du change, caleulent toujours sur la livre en numéraire, et pour retrouver 20 sous métalliques d'une chose, ils ont vendu cette chose 50 assignats à l'époque du 2 juin, et ils la vendent aujourd'hui 6 francs assignats”.

Ici, citoyens, je vous prie d'observer qu'il existe tou_ jours un intervalle plus ou moins long entre chaque progression de la baisse du change etchaque progression de surhaussement des denrées et des marchandises. Cela dépend dans l'étendue de laRépublique dela distance entre Paris et les grandes villes et dans Paris de plusou moins de pudeur ou de cupidité des marchands, qui n'osent pas tout à coup et pied à pied suivre le cours du change. C’est dans cet intervalle que les accapareurs font leurs coups, soit en achetant à force les denrées et les marchandises, soit en resserrant celles qu’ils ont déjà, et voici leur raisonnement : «Nous sommes dans le secrel,

1. Ne négligez pas d'observer que si l'on peut taxer d'avarice et de cupidité beaucoup de fabricants et de marchands, de ce qu'ils suivent strictement le cours du change, en renchérissant leur marchandise à mesure qu'il baisse, ilen est beaucoup qui ne peuvent s’en dispenser : celui, par exemple, qui achète des laines dans l'étranger, est obligé de les payer au cours du change et de donner aujourd'hui environ 6 louis assignats pour chaque louis d’or que doit recevoir de lui le marchand de Barcelone; alors il faut qu'il vende son drap en proportion; mais le fermier, par exemple, qui avec 10.000 livres en assignats paie au propriétaire son bail de 10.000 livres, qui n’éprouve aucune perte dans le change et qui se hâte de renchérir son blé, son foin et ses beurres, celui-là certes s'enrichit aux dépens de la société. (Note de Fabre d'Églantine.)