Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

SUR L'AGIOTAGE ET LE CHANGE 139

qu’ils ont fraudé toutes les lois par lesquelles vous avez voulu arrêter ou balancer le poison de l’agiotage.

Par la loi du 27 août 1792, vous avez assujetti les actions de la Compagnie des Indes au droit d’enregisirement de trois quarts d’un pour cent, c’est-à-dire de 15 sous par 100 livres, pour chaque mutation; de sorte que, sur le pied de 1.100 livres de valeur, chaque action permutée doit rendre au Trésor national 8 Liv. 5 s. Depuis environ 10 mois, il se fait 3.000 mutations par jour, et le Trésor national n’a pas encore touché un sou d'enregistrement. Les administrateurs ont imaginé un livre secret qu’ils ont entre les mains et qu'ils appellent livre de transfert; c’est sur la foi de ce livre que les mutations se font, sans qu’il puisse apparaître que les actions ont été négociées. Il y a plus; ces administrateurs ont trouvé le secret de gagner sur cette opération; ils se font payer un écu par mutation et par droit d’inscription sur le livre secret; de sorte que ce qu’ils vous dérobent, ilslegagnent, etc'est assurément pousser l'agio- tage et l'effronterie à son comble que de convertir la loi en chiffon de papier et la violation de la loi en bénéfice.

Par la loi du 22 août 1792 les compagnies financières sont assujetties à un impôt du cinquième de leurs bénéfices. La Compagnie des Indes se moquant toujours de la loi a converti ses bénéfices en remboursement de capitaux simulé; elle a dit à chaque actionnaire : « Voilà 150 livres de profit que vous rapporte votre action cette année; mais pour ne pas payer lecinquième de ce profit à l'Etat, prenons que vous n’avez rien gagné, prenons que ces 150 livres sont un remboursement du capital; cela ne vous fait rien, car le fonds est toujours à nous. »