Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

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284 OEUVRES POLITIQUES DE FABRE D'ÉGLANTINE

qu’il faut attribuer une singularité remarquable dans cet homme, et qu'il est facile d'expliquer. Souvent, lorsqu'une question importante el majeure, et sur laquelle il pouvait obtenir la parole, l'amenait à la tribune, vous l’eussiez vu, recueilli et plein de sa matière, entamer la question par un exposé précis et lumineux, la traiter ensuite avec d'autant d'ordre, de raison et de force que de profondeur, mais toujours brièvement: sa dialectique était pressante, et sa conclusion frappante de sagesse. Il étonnait ses adversaires autant qu’il les embarrassait ; son triomphe éclatait par leur confusion et par le ravissement des patriotes; sa tête alors se montait, son amour pour la justice et pour la vérité lui faisait illusion; il en croyait toute l'assemblée pénétrée comme lui; il se figurait l’occasion excellente pour faire triompher la Patrie; et le voilà soudain qui, remontant à la tribune, venait avec confiance présenter ses moyens d'utilité et de régime politique, dont l'audace, quoique juste en calcul, ayant toujours l'air de l'exagération, formait, avec son discours précédent, un contraste apparent si marqué, une disparate si forte, que presque tout le monde en était soulevé ; tandis que lui, qui presque seul sentait la cohérence de ses idées et la conséquence de son raisonnement, demeurait tout stupéfait que des gens auparavant si sages de l'écouter, fussent si peu raisonnables de l'improuver dix minutes après : pur effet de sa facilité à croire à l'empire de la vérité ; effet aussi de son impuissance de dissimuler. Ces scènes, plusieurs fois répétées, avaient appris aux ennemis de la Patrie, ses adversaires, à lui tendre des pièges. Plus d’une fois ils se sont servis de sa franchise abondante et impétueuse