Opuscules et fragments inédits de Leibniz : extraits des manuscrits de la Bibliothèque royale de Hanovre

PRÉFACE XIII

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et pensait telle année, tel mois, tel jour, et, inversement, à quelles dates il s’est occupé de telle théorie ou de tel problème ‘. Cela fait, on aurait une base solide pour le classement chronologique de l’ensemble des œuvres. On grouperait autour de chaque opuscule daté, d’abord les brouillons et les notes qui s'y rapportent, puis les opuscules analogues par leur contenu; non pas, bien entendu, tous les opuscules traitant le même sujet (comme faisait Gerhardt, qui rapprochait ainsi des ouvrages de dates très éloignées), mais les opuscules de la même veine et de la même inspiration 2. Pour les autres, les allusions que Leibniz fait à ses travaux dans ses lettres permettraient de conjecturer leur date avec une très grande probabilité. Sans doute, il y aurait là place pour l'appréciation subjective et pour l'arbitraire, mais dans une faible mesure : car de telles conjectures, fondées sur la totalité des données chronologiques que nous possédons et sur l'ensemble des œuvres, atteindraient le maximum de probabilité que comporte l’état du problème.

Bien entendu, une fois déterminé aussi rigoureusement que possible l'ordre chronologique de tous les écrits de Leibniz, on pourrait « tricher » d'une ou deux années pour réunir les écrits se rapportant à un même ordre de questions, de manière à composer des volumes à peu près homogènes (d’étendue inégale) que l’on pourrait se procurer séparément. Par exemple, on pourrait grouper vers 1678 tous les brouillons relatifs à la langue universelle, qui à eux seuls suffisent à remplir un volume, car c'est à cette époque que Leibniz s’est surtout occupé de ce problème, et qu'appartiennent ceux de ces brouillons qui sont datés. Ce serait là une question de mesure, de tact et de goût, et aussi d'utilité et de commodité pratiques. Il y aurait ainsi des volumes mêlés d'œuvres et de correspondance, d'autres où il n'y aurait pas de correspondance, et peut-être d'autres où il n’y aurait que des lettres. De même, il y aurait des volumes entiers de philosophie, d'autres de mathématiques, d’histoire, de droit, de politique, de théologie, d’autres enfin d’un contenu varié. Ainsi toutes les matières seraient alternées ou mélées exactement comme elles alternaient et se mélaient dans l’esprit de Leibniz et sous sa plume, et l’on aurait par là le portrait exact et vivant de son activité intellectuelle; ou plutôt, puisque cet esprit fécond et infatigable était toujours en mouvement, et que nous avons comparé ses productions fugitives à des instantanés, on en aurait vraiment la cinématographie.

1. C’est à peu près (toutes proportions gardées) ce que nous avons fait pour ses travaux de Logique : la correspondance nous avait appris qu'à telles dates il s’occupait de Calcul logique, et nous avons en effet trouvé des brouillons de ces dates. Notre Liste chronologique des fragments datés peut faire pressentir combien la chronologie complète de l’œuvre serait instructive.

2. C'est ce que nous avons essayé de faire (avec des données insuffisantes et bien moins complètes) dans chacune des rubriques de notre Classification systématique (notamment pour le Calcul logique).