Orateurs et tribuns 1789-1794

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À Berne, il avait fréquenté Haller (le Pline de la Suisse) ; à Zurich, le vieux Bodmer, le patriarche de Ja littérature allemande. Comme Ramond s’étonnait de sa ressemblance physique avec Voltaire : « Il ne manquerait rien à ma gloire, si je ressemblais en tout à M. de Voltaire, répondit-il ; mais peut-être serait-il plus heureux s'il me ressemblait davantage. » — Tout jeune qu'il était alors (1777), son air spirituel, la verve de sa conversation le faisaient accueillir comme s’il était déjà célèbre : à Ferney, Voltaire, dès qu’il entra, lui cria de son fauteuil: « Vous voyez, monsieur, un vieillard qui a quatre-vingt-trois ans et quatre-vingt-trois maladies. » Et comme Ramond remarquait sur les rayons de la bibliothèque les in-folio des Pères de l’Église dans lesquels de petits papiers intercalés indiquaient qu’on les avait lus: « Oui, reprit Voltaire, oui, je les ai lus et ils me le payeront. »

En 1789, Ramond entre avec franchise et vivacité dans le mouvement; membre actif de la Société de 1789, orateur écouté du district de Saint-Philippedu-Roule, sans cesse en conférences et en courses du cabinet de Condorcet à celui de Mirabeau, de l'hôtel de La Rochefoucauld à l'Hôtel de ville ou dans les clubs, il s'était mis naïvement, dit-il lui-même, du nombre de ces petites puissances qui pensaient conduire Ja Révolution, et que la Révolution entraîna bientôt. Il avait éprouvé, dans sa liaison avec le cardinal de Rohan, ce que la faveur des grands peut rapporter