Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA DROITE. 109

chaque puissancesa place, à chaque prétention ses bornes. »

Ne croirait-on pas, en lisant cetle page, qu'il s’agit d'événements ensevelis dans la nuit du passé le plus reculé, non d'événements tout récents, saignants en quelque sorte, que l'écrivain a vus, vécus, soufferts ? Mais Ramond ne remonte pas tous les jours à la philosophie de l'histoire, à une sorte de géologie politique; en réalité, il recouvre d’un voile métaphysique ses regrets, les illusions perdues, les illusions qui sont la plus chère des propriétés, et, vers la fin, il expliquera, avec la clairvoyance de la mélancolie, comment échouèrent les plus nobles entreprises conçues par une minorité éclairée et généreuse « qui a oublié de regarder sur ses derrières, à compté les hommes au lieu de les peser, et ne sait pas qu'en dernière analyse les nations ne seront jamais gouvernées que comme elles sont faites. »

En janvier 1813, il obtint sa retraite et vint s'établir à Paris: il voulait se consacrer à l'éducation de son fils, à la rédaction définitive de ses OEuvres et de ses Mémoires. Lors de l'invasion de 1814, ses journaux, ses correspondances, les matériaux assemblés avec tant de patience depuis vingt ans, furent détruits par les cosaques. C’est venir de bien loin, se plaignait-il doucement, pour faire du mal à un homme qui n’en veut

à personne.