Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA DROITE. 129

moristique : « Les peuples graves où mélancoliques tiennent en grande es'ime les écrivains qui les soulagent du poids de la morale en la déguisant sous des formes récréatives. Le premier mouvement des Espagnols et des Anglais est de chercher des vues sérieuses dans les fictions les plus folles d’un Butler ou d’un Cervantes, d’un Sterne ou d’un Quevedo. La France, bien différente, est un pays familier où l’on prend ordinairement au mot les moralistes enjoués, soit que leur but nous échappe, soit que par vanité le lecteur ne veuille pas avoir été trompé, même pour son plaisir. On a passé bien du temps avant de convenir que RabeJais n’était pas seulement un bouffon, Molière un plaisant, La Fontaine un bonhomme, et Voltaire un bel esprit. »

Avant d'accorder ses louanges à la Restauration, il avait brûlé de l’encens pour l'Empire. Les journées caniculaires de la Révolution, son frère, une partie de sa famille tombés à Lyon sous les coups des proconsuls de la Convention, son sybaritisme moral, tout conspirait à le rejeter du côté de l'autorité; seulement il tempérait sa docilité officielle par des épigrammes discrètement voilées. Avant tout il aimait l’ordre, eslimant qu'un si grand bienfait ne peut s'acheter sans quelques sacrifices : « Je suis de la faction des contents, écrit-il dans une préface de 1802, et si je n’en étais pas, je me tairais ». Censeur impérial des théâtres, il changeait ou retranchait les vers qui pouvaient être