Orateurs et tribuns 1789-1794

1928 ORATEURS ET TRIBUNS.

l'agrément, de la précision, et, sauf quelques réminiscences de préciosité et d'emphase, tribut payé au caractère et à l’époque, sont remarquables par leur bonne tenue littéraire. L’éloge de Morellet, qu’il remplaça en 1819 à l'Académie française, obtint un grand et légitime succès. En parlant de ce littérateur qui avait libéralisé les idées de lord Shelburne, et auquel Voltaire avait délivré ses letfres de marque, de Cabanis distribuant pendant la Terreur à ses amis le poison, ce pain des proscrits, de cette date de 89 où tout se taisait devant l’inquiète passion des nouveautés, de la modération qu'il définit plus idéalement que réellement l'union de la sagesse et de la force, Lemontey trouva de nobles accents, des mots tout vibrants d'éloquence spirituelle. Parlant de la restauration, de Louis XVIII, il observe que celui-ci a trouvé le pacte conciliateur, la Charte, non dans les vaines théories, dans les {raditions surannées, mais dans les lumières du siècle et le vœu de la France, de méme que l'œil de Phidias avait aperçu d'avance dans le bloc de Paros le dieu que son ciseau allait faire respirer. À propos des brochures de Morellett en 179%, 1795, il lui échappa cet heureux trait : « Péril, talent, courage, persévérance et succès, rien n'a manqué à l'honneur de ce grand succès, pas même l’ingratitude. » Et cette apologie de la morale hu-

1. Voir sur Morellet mon volume des Causeurs de la Révolut'on (2° édition).