Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT LES ORATEURS DE LA DROITE. 143

moins, et le roi de Sardaigne annonça cette mort à la cour par un mot piquant: « M. de Viry est mort, mais il ne veut pas qu’on le sache. » Rivarol peignait à peu près de la même manière M. de Champrenetz l'aîné, homme rempli de mystères : « Il n’entre point dans un appartement, il s’y glisse, il longe le dos des fauteuils, et va s'établir dans l'angle d’un appartement; et quand on lui demande comment il se porte : — Taisez-vous donc; est-ce qu’on dit ces choses-là tout haut ? »

Les conversations de Bonaparle ont presque toutes un relief saisissant; elles sculptent le héros dans sa grandeur épique, dans ses vues imperturbables d'homme d'État, et, hélas! aussi dans la brutale raideur de son cynisme. À Lebrun, à Portalis, à Lemercier, qui gardent dans leur âme le rêve confus d’une liberté relative et l'admiration de la Constituante, Bonaparte répond tout crûment : « Dans cette Assemblée, il y avait beaucoup de théoriciens et point de politiques. » Et comme Lebrun objecte qu'il y avait beaucoup de gens sensés, qu'on ne saurait juger d’après les résultats, puisque leurs conseils n’ont point été suivis, le premier consul fulmine contre la métaphysique qui aurait entraîné, démoli l’ordre social, en France, en Europe, sans le 18 brumaire. « Et, ajoute-til, il fallait, pour qu'il réussit, le concours de mille circonstances; il a fallu des victoires prodigieuses en Italie, presque fabuleuses en Égypte, et un retour, pour ainsi dire,