Orateurs et tribuns 1789-1794

80 ORATEURS ET TRIBUNS.

Marne, Moreau, qui lui avait donné sa confiance : dans les discussions embarrassantes, il venait lui dire en riant : « Monsieur Hua, prenez garde à ce que vous allez faire, car je voterai comme vous.» Un jour qu’ils traversaient les Tuileries en sortant de l’Assemblée, un groupe se forme, les escorte, les injurie, les menace. Tout à coup, une voix s'élève : « Regardez done ce drôle d’aristocrate ; c'est un mâtin de paysan qui gardait les vaches dans son pays. » Moreau se retourne et avec beaucoup de dignité: « Je suis, messieurs, non pas un gardeur de vaches, mais un honnête cultivateur ; j'étais plus respecté dans mon village que je ne le suis depuis qu'on m'a envoyé législateur à Paris. » La réponse déconcerta celte populace qui les laissa aller. De combien de crimes n'’aurait-on pas fait l’économie si tous les honnêtes gens avaient ressemblé à Moreau, à Dumas, à Daverhoult qui, le pistolet au poing, frayaient un passage à leurs collègues au travers de la foule furieuse ; à Frondière qu'on envoyait à l'Abbaye pour avoir crié à la gauche : «C’est un beau talent que celui de tromper le peuple»: à ce Gorguereau dont le sang-froid rappelle celui de M. Guizot dans une séance célèbre en 1843, auquel on voulut pendant un discours contre les fauteurs de troubles, dix fois ôter la parole, auquel elle fut dix fois maintenue par décret, et qui alla jusqu'au bout ; à ce Hua qui d’un coup de poing envoie rouler au milieu de la salle un enragé qui veuf l'arracher de la tribune, qui après un rapport