Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits
652 LA NOUVELLE REVUE.
l'assurant que le Directoire ne se considérait pas non plus en guerre avec la Russie et qu'il était tout disposé à renouveler Les anciens rapports d'amitié et de commerce entre les deux États (1).
La perspective d'une paix prochaine entre la France et la Russie était envisagée avec une véritable terreur par les cours de Vienne et de Londres. Occupées elles-mêmes à traiter avec la République, l’une à Lille, l’autre à Montebello et à Udine, ces deux cours remuaient ciel et terre à Pétersbourg pour enrayer la négociation franco-russe. Elles étaient secondées avec ardeur par les nombreux émigrés français établis dans cette ville auxquels vinrent se joindre bientôt M. de Saint-Priest récemment nommé par le comte de l'Isle son ministre et secrétaire d'État, et le prince de Condé lui-même. La diplomatie étrangère ainsi que les émigrés trouvaient un puissant appui auprès de l’impératrice Marie, femme de Paul, et de son cercle dont faisaient partie le maréchal prince Repnine, le vice-chancelier prince Alexandre Kourawine et le jeune comte Panine, troisième membre du collège des affaires étrangères. Heureusement l'empereur se laissait guider par ses propres inspirations el par les sages conseils du comte Besborodko qu'il avait placé à&la tête de ce collège avec le titre de chancelier. Cet ancien ministre de Catherine, le seul qu'ait gardé Paul, était intimement convaincu que la Russie n'avait rien à gagner en prolongeant avec la France une guerre de principes. IL prèchait ouvertement la paix et se faisait gloire de couronner sa carrière ministérielle en conjurant une tempête qui lui apparaissait grosse de dangers pour son pays. « J'estime, écrivait-il à son ami intime. le comte Alexandre Woronzoff, que la paix se passera de congrès et de médiation. Il faut rendre cette justice à l’empereur qu'il n’ambitionne guère ce stérile honneur. Nous avons avant tout besoin de paix (2). »
Paul ayant sur ces entrefaites décidé le rappel de Kolytchelf de Berlin et son remplacement par le comte Panine, Besborodko insista pour que ce ministre fût muni de pleins pouvoirs pour traiter de la paix avec le plénipotentiaire de la République française. L'instruction que Panine reçut à son départ, reflète le double courant qui se produisait alors au sein de la diplomatie russe. Il y était dit d’abord textuellement : « Bien que nous n'ayons jamais été en guerre directe et active avec les Français, car pour
1) Kolytcheff à Paul, le 22 juillet 1797. 2) Le prince Besborodko au comte Woronzolf, le 13 juillet 1797.
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