Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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Sur quelques autres points encore, nous pourrions montrer Portalis flottant incertain entre les systèmes philosophiques qui allaient cesser d’être dominants et ceux qui ne l’étaient pas encore. Ces fluctuations ne devraient pas nous surprendre : elles sont fréquentes aux époques de transition, surtout de la part des esprits modérés qui essaient la conciliation des systèmes opposés. Mais, après avoir formulé nos critiques, nous avons hâte d'arriver à l'éloge du livre de Portalis. Il réunit des qualités toujours précieuses et rares surtout à l’époque où il fut composé.

La première est une grande clarté dans le raisonnement comme dans le style. Portalis discute en homme de loi consommé : on reconnaît, à sa manière d’argumenter, qu’il possède à fond la langue du droit et qu'il cherche partout à en conserver la rigueur et la lucidité. Chez lui, point de ces déclamations sentimentales, point de ces phrases ampoulées que ses contemporains prodiguaient dans leurs discours comme dans leurs écrits et que le public est toujours prêt à prendre pour de bonnes raisons. Sans jamais tomber dans la sécheresse, sans rien sacrifier de son élégance naturelle ni de sa grâce littéraire, il suit constamment un ordre logique, qui rend accessibles les points les plus ardus de la discussion.

La simplicité n’était pas, du vivant de Portalis, un mérite moins rare que la clarté. Plus les convictions étaient fragiles, plus elles s’exprimaient avec exagération; la faiblesse des consciences n’avait d’égale que la violence des paroles. Il en sera toujours de même;