Portalis : sa vie, et ses oeuvres

312 PORTALIS

naturellement faible, avait eu surtout à souffrir. Déjà compromise en 1796, elle était à peu près perdue en 1804. La mémoire de Portalis, toujours aussi merveilleuse, lui permettait, il est vrai, de dissimuler sa cruelle infirmité et suppléait, en grande partie, au sens si précieux qui lui faisait de plus en plus défaut !.

Il s'était, d’ailleurs, entouré de collaborateurs aciifs et dévoués. Les principaux d’entre eux, MM. Jauffret, Darbaud, Châtillon, étaient familiarisés, de longue date, avec les matières canoniques et habiles à faire accepter au clergé, par la douceur et la courtoisie de leurs formes, la nécessaire intervention de l'État dans les affaires ecclésiastiques. Plus tard, en 1805, lorsqu'un nouvel affaiblissement de sa vue lui rendit l’exercice de ses fonctions plus difficile encore, on parla de son remplacement, l’abbé de Pradt fut même désigné comme son successeur; mais l'Empereur, qui sentait tout le prix du concours de Portalis, ne voulut pas en être privé : il lui permit de se faire suppléer, pour les

4. Voici un exemple à peine croyable de cette prodigieuse mémoire : « ... Un jour Bonaparte voulut mettre à l'épreuve cetle merveilleuse faculté de Portalis, et il lui tendit comme un piége. Portalis était venu travailler avec lui pour quelque affaire relative au ministère des cultes. « Asseyez-vous, lui dit-il, et écrivez; je veux vous donner là-dessus mes idées. » Quand la dictée fut achevée, le Premier Consul lui dit de relire. Portalis relut ou » sembla le faire; la reproduction était tout à fait exacte. Le Consul lui dit :« Eh bien! laissez-moi ce papier. » Mais Portalis, qui n’y avait rien écrit ou qui n’y avait tracé que des caractères insignifiants, demanda le temps de faire faire une copie au net, et il n’eut pas de peine à dicter, au sortir de là, à son secrétaire » ce qu'il avait si fidèlement retenu. » (Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, mars 1859, tome V, page 567.)

»

%

ÿ

#

ÿ