Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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profonde, contempler, sur toute l'étendue du territoire français, les hommes, naguère divisés par les haïnes religieuses ou persécutés au nom du Dieu d'amour et de paix, réunis dans un même esprit de charité et offrant librement au Créateur leurs prières et leurs actions de grâces.

Ce spectacle adoucit, pour Portalis, lamertume des dernières épreuves qu’il eut à subir. Épuisé par le travail, atteint des infirmités de la vieillesse, il supporte en chrétien les angoisses de la cécité, il attend avec calme sa dernière heure, et, quand il la sent venir, il porte, jusque dans le sein de la mort, la douceur et la sérénité d'âme qu’il avait fait admirer pendant sa vie.

Sans ennemis, universellement regretté, il laisse les souvenirs d’un père et d’un époux plein de dévouement, d’un ami fidèle, d’un ministre illustre : orateur élégant, lumineux, tour à tour émouvant et incisif, doué d’une prodigieuse mémoire et du plus harmonieux organe, n'ayant qu’an seul défaut, l'excès de l’abondance; écrivain clair et correct, plein de grandes idées et de nobles inspirations, quelquefois un peu lent, mais exempt de l’emphase qui dépare les plus belles œuvres de son époque; jurisconsulte aussi savant que profond, prenant pour guides l’histoire et la philosophie et ne perdant jamais de vue les enseignements de l’expérience ; philosophe spiritualiste et chrétien, ennemi de l'esprit de système et défenseur énergique des vérités morales ; homme d’État affable, laborieux, prudent, quelquefois faible en face d’nn souverain devant lequel