Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, str. 264

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de son ame simplé-et pure. La cour voulutse servir de Damouriez, et le tromper.

Les ministres qui furent nommés bientôt après Damouriez, n'étaient en rien disposés à se subordonner à son influence : ainsi qu’il l'avait espéré. Le ministre de la justice, Duranton, né à Bordeaux, avait toute la faveur deses puissans compatriotes; maiss’il n’excita pas leur haîne, il remplit peu leurs intentions. Son rôle fut obscur ettimide. Lonis avaitaussi touchéson ame; il ne se prêtait pas à toutce qui pouvait avancer sa ruiner Lacoste, ministre de la marine, était dans les mêmes dis

‘positions. Trois de leurs collégues avaient un républicanisme plus prononcé, un caractère plus intraitable : c'étaient Roland, Servan et Clavières; ce dernier eut le département des contributions ; Servan eut le département de la guerre, Roland. celui de l’intérieur. Roland joignait à dés connaissances en administration, un caractère ferme jusqu’à l’opiniâtreté : il affectait l’austérité; le peu d’étiquette qui restait à la cour, l'offensait. Il portait, dans les conseils du roi, les chagrins d’un venseur farouche. Il eût cru trahir ses principes et son caractère, en prenant de l'affection pour Louis. Son influence sur les événemens était agrandie par celle qu'avait sur lui sa femme. Elle seule avait conduit dans les routes de l’ambition, un. homme qui n'était fait que pour exercer , avec probité et avec intelligence, des emplois subalternes. Elle avait l'ame d’une romaine, et les graces d’une Francaise. Une éducation triste et solitaire, les épreuves les plus rigoureuses de la fortune , un penchant naturel à la méditation avaient fortifié son caractère. Elle sentait, avec regret, que la gloire n’entrait pas dans le partage des femmes. Elle se consolaït, en préparant celle de son mari. Passionnée pour la république, elle voyait des êtres supérieurs dans tous ceux qui se présentaient à elle comme républicains. Elle était enthousiaste dans l'amitié ; sensible et mêmetendre, les fureursrévolutionnaires qu’elle avait pu déjà contempler, avaient épouvanté son cœur. Cependant elle ne craignait pas de braver et d’exciter de nouveaux orages, pour réaliser les espérances de grandeur et de félicité qu’elle attachait au seul mot de république. Tous les chefs du parti de la Gironde se rassemblaient chez elle; et à, mélant quelques combinaisons politiques à des tableaux romanesques, ils s’exaltaient ensemble sur leur entreprise; ils se dirigeaient vers la république de Caton ou de Cicéron, avec les moyens de Machiavel. Dumouriez qui croyait que chacun des nouveaux ministres allaït se subordonner à lui, découvrit bientôt dans Roland un rival dangereux, un observateur inquiet; mais tous les partis se réunirent à lui, lorsqu'il proposa de déclarer la guerre.

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