Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
ES
LIVRE SECOND.
12 demandant la convocation des états-généraux, le parlement de Paris avait cédé à l'opinion publique. Personne ne pouvait la connaître aussi bien que lui, puisqu'il l’étudiait sans cesse pour s’en appuyer- Plusieurs membres de ce corps, les jeunes magistrats en particulier, aimaient véritablement la liberté: ils étaient sincères dans la demande qu’ils faisaient de la convocation des états-généragx. Mais les anciens n'y voyaient qu'un moyen d'accroître leur pouvoir : c'était même le seul qu’ils pussent trouver ; car la nation ne pensait plus, ni que les parlemens eussent le droit de tenir les rois en tutelle, ni qu’ils fussent les états-généraux réduits au petit pied. Ces magistrats crurent prévoir que ceux quiavaient demandé les états-généraux y joueraient le premier rôle , et qu’ils y entreraient investis de la confiance du peuple.
Dès que le mot eut été prononcé , et que les états-généraux eurent été demandés par le parlement et promis par le roi, les événemens se pressèrent et s’entassèrent. Tandis que la nation s’occupait dela douceidée d'unerégénération quidésormais la mettrait à l'abri de la tyrannie , ceux qui étaient en possession de la maîtriser s’occupaientdes moyens dé conserver leur empire. Mais le colosse imposant de la majesté publique croissait chaque jour, et à ses pieds vinrent se briser successi< vement toutes les autorités fantastiques qui Pavaient si longtemps dominée.
Personne ne fit alors ce qu’il devait, parce que personne ne voulait véritablement le bien public. Il fallait sauver l’état , et chacun ne s’occupait que de soi. La cour voulait se débarrasser des parlemens , et ceux-ci voulaient contrarier la cour. M. de Lamoignon songeait à les hunilier; M. de Brienne voulait être premier ministre; et, tandis que sur ce théâtre orageux se passaient tant de scènes indécentes , le peuple voyait avec indignation qu'il était toujours sacrifié aux intérêts etaux disputes des grands.
La cour exila le parlement à Troyes. Celui-ci racheta son exil en enregistrant la prorogation du deuxième vingtième, et donna ainsi la juste mesure de son patriotisme. Cependant, au milieu de ces différends entre ceux qui se disputaient l’autorité , le besoin d’argent se faisait toujours ressentir. Les parties contendantes reconnaissaient également la nécessité d’y pourvoir ; et comme c'était de là que naissait l'inquiétude et par conséquent le courage du peuple, ceux qui voulaient l’asservir avaient besoin de faire entre eux quelque trève. Un em-