Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE. 93

» femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs et » agens d’émigrés, qui n’ont pas constamment manifesté: » leur attachement à la révolution. :

» Les tribunaux civils et criminels pourront, s’il y a lieu, » faire retenir en état d’arrestation , comme gens suspects, » et envoyer dans les maisons de détention ci-dessus éron» cées , les prévenus de délits à l'égard desquels il serait » déclaré n'y avoir pas lieu à accusation , ou qui seraient » acquittés de celles portées contre eux. »

On établissait pour juges des suspects les comités révolutionnaires. On ne peut imaginer avec quelle facilité les tyrans déléguèrent le pouvoir d’enfermer et de massacrer. Chaque village eut un comité révolutionnaire.

Paris en eut quarante-huit. On se servit de tous les scélérats; il s’en forma de nouveaux. On vit des hommes qui ne surent éloigner d’eux le titre de suspect qu’en briguant l’emploi de les faire arrêter. Une étrange, une salutaire générosité inspira à quelques hommes d’accepter cet emploi pour le rendre nul. Cette fraude faite contre le crime ne put être longtemps ni cachée niimpunie. Deux cent mille membresde comité révolutionnaire furent choisis dans le rebut de la société pour être les arbitres suprêmes de la liberté et des jours de Pélite de la nation. Tous les vices trouvèrent à se venger des châtimens et des outrages dont ils avaient été flétris. Les membres ducomité révolutionnaire avaient encore au-dessous d’eux des’ êtres qui n’avaient de capacité dans le crime que pourremplir le métier de délateurs. La convention les appelait par un salaire. Tous ceux que la misère ou la domesticité plaçait dans une dépendance purent s'enrichir par la perte de ceux dont ils dépendaient. On vit sortir à grands flots toutes les bassesses et tous les ressentimens, qui se nourrissent dans le besoin et lhumiliation; mais la reconnaissance et la fidélité eurent leurs prodiges.

Le procureur de la commune de Paris, Chaumette, craignit que Merlin, dans sa loi, n’eût trop restreint la définition des suspects. Il l’étendit à un tel degré, qu’elle pouvait comprendre facilement les quatre cinquièmes des Francais. Le monstre aux deux cent mille têtes, Marat, fut vaincu dans ses calculs. Ses successeurs agitaient souvent entre eux à quel degré il fallait réduire la population de la France. Dans la progression de leurs cruautés, ils doublaient, ils triplaient, ils centuplaient enfin le nombre des êtres qu’ils avaient d’abord voués à la mort. Je n’oserai dire qu’au moment où je peindrai la chute et le supplice de ces destructeurs d’hommes, à quel terme ils avaient enfin arrêté leurs tables de proscription .