Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
136 CONVENTION
prolonger le crime au-delà du besoin, n’en jouir jamais et s’en rendre esclave , lui parassait sottise. Il voulait la terreur. Il croyait en assurer les effets en tenant le glaive toujours levé, sans l’enfoncer à chaque instant. Il préférait un massacre à une longue succession de supplices.
Au 2 septembre, lorsque du palais de la Justice il avait fait un rendez-vous d’assassins , quiconque osait l’aborder et soutenir son horrible aspect , ne sollicitait pas en vain sa pitié. Il osa ravir à la haîne de Robespierre , à la haîne de tous les siens , trois hommes célèbres que le sort avait fait tomber entre leurs mains, Adrien Duport, Barnave, Charles Lameth. Il se souvint que, dans un péril, il avait été sauvé par eux. Il dédaiguait ses petits ennemis, et concevait de l'estime pour ceux qui se défendaient avec vigueur. Il y eut un vice qu'il ne put ou ne voulut: jamais adopter, ce fut l'hypocrisie. Le rôle de brigand politique lui paraissait de nature à pouvoir être avoué.
Danton, qui avait si long-temps régné sur tout le peuple révolutionnaire , s'était réservé un parti plus intime d’hommes dévoués à lui, à ses principes, qu'on appelait les Cordeliers. Jamais chef n'avait mieux choisi ses soldats. La plupart étaient jeunes, audacieux, plein d’ardeur et de constance dans leurs projets , fanatiques daws leurs opinions, flexibles dans les intrigues, dangereux dans les mouvemens populaires , et bravant tous les scrupules. Voilà des traits qui me paraissent leur avoir été communs. Mais un préjugé très-injuste , c'est de voir toujours uniformité de caractère et d’intentions dans ceux qui composent un partie Je vais nommer quelques-uns de ces partisans de Danton, qui se trouvèrent enveloppés dans sa chute, ou qui, se réunissant pour sa vengeance , opérèrent celle du genre humain. Les plus remarquables étaient Fabre-d'Eglantine, Lacroix, Camille Desmoulins, Legendre , Tallien, Fréron, Merlin de Thionville, Bazire , Chabot.
Danton, à son retour, trouva ses amis dans la consternation ; le comité de salut public avait éloigné les uns ét menacé les autres. On parlait de corruption, de vols faits à larépublique. Ces griefs étaient imputés à des hommes dont les noms ne repoussaient pas de telssoupçons , tels que Bazire, Chabot, Fabre-d’Eglantine, Lacroix. Danton vit que leur-cause ne serait pas lang-temps séparée de la sienne. Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois, Saint-Just et Couthon étaient déjà ses ennemis déclarés. Mais leur haîne était moins redoutable pour Danton que la feinte amitié de Robespierre. Celui-ci s’offrait à lui comme un protecteur. Il lui prescrivait de respecter sa puissance, et par conséquent celle du comité de