Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

156 CONVENTION

de mes enfans. On reconnaissait dans les prisons ceux qui avaient pris une telle résolution , à la sérénité nouvelle qui paraissait sur leurs traits. Chaque mot qu’ils disaient à leurs compagnons les plus chers avait l’accent d’un adieu : à peine avait-on la force de les combattre. Ils se frappaient d'un coup assuré. ....

Je vais, pour rappeler les plus épouvantables scènes , rapporter quelques traits d’un récit énergique, éloquent , fait par Riouffe. Il était depuis long-temps enfermé à la Conciergerie , et tous les tableaux qu’à peine j'ose décrire ont passé sous ses yeux.

« D'abord ils avaient entassé quinze personnes dans leur » charrette meurtrière; bientôt ils en mirent trente; enfin » jusqu'à quatre-vingt-quatre ; et quand la mort de Ro» bespierre est venue arracher le genre humain à leurs » fureurs, ils avaient tout disposé pour en envoyer cent » cinquante à-la-fois. À la place du supplice déjà un aque» duc immense, qui devait voiturer du sang, était creusé à « la place Saint-Antoine. ... .

» J'ai vu quarante-cinq magistrats du parlement de Paris » et trente-trois du parlement de Toulouse allant à la mort » dumême air qu’ils marchaient autrefois dans les cérémonies » publiques. J’ai vu trente fermiers - généraux passer d’un » pas calme et ferme; les vingt-cinq premiers négocians » de Sedan plaignant, en allant à la mort, dix mille ou» vriers qu'ils laissaient sans pair. »

IL faut maintenant dire les motifs de ces condamnations. Les négocians de Sedan étaient accusés de complicité avec le général Lafayette , lors de son mouvement contre lesauteurs du 10 août. Il y avait eu pour eux une loi d'amnistie. Les membres du parlement de Paris qui formaient la chambre des vacations étaient accusés d’avoir signé une protestation contre un des décrets de l'assemblée nationale ; il y avait eu une loi d’amnistie de cette même assemblée pour tous les faits de ce genre. Les fermiers-généraux étaient accusés d’avoir mis de l'eau dans du tabac. On fit périr avec eux l’immortel Lavoisier , créateur de la chimie nouvelle , homme également dévoué à sa patrie, aux sciences, à l'humanité. Il demanda quelques jours pour achever une expérience dont il attendait Les plus grands résultats, Les barbares détruisirent un génie inventeur pour avoir un peu d'or.

Parmi les magistrats immolés , il en était un grand nombre {M avaient fidèlement conservé les vertus transmises par leurs aïeux : tels étaient le premier président Saron, les présidens d'Ormesson , Molé, Rozambo. Ce dernier était le gendre de Malesherbes.