Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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entièrement éloigné du comité de salut public. Il n’y conservait plus de partisans que Couthon et Saint-Just.
Suivons encore Robespierre. Il méditait la vengeance. Il rassemblait autour de lui ses partisans, ses satellites. Il les voyait en foule aux jacobins; il en avait peuplé le tribunal révolutionnaire, la commune de Paris. Le dévouement des comités révolutionnaires à sa Personne était proportionné à leur atrocité. Henriot mettait à sa disposition toute la populace armée, qui formait la seule milice de Paris. On ajoute qu'il avait inspiré le plus sinistre fanatisme à un corps nombreux de jeunes gens qu'on appelait les élèves de Mars.
Maïs c'était la première fois qu’il se voyait le chef unique d’une conspiration. Il était maintenant accablé sous le poids d’une destinée bien supérieure à ses forces, à ses talens. Pressé par les ennemis les plus dangereux, il s’occupait tous les jours à désigner au tribunal révolutionnaire ceux qui devaient être condamnés le lendemain , c’est-à-dire une foule d'êtres sans défense, de femmes, de vieillards, de qui jamais il n'avait recu nul outrage. Je ne crois pas cependant , comme l'ont avancé plusieurs membres du comité de salut public, que cette attribution lui eût été laissée à lui seul depuis sa retraite du comité; mais du moins il est bien prouvé qu’il ne cessait point d’y coopérer.
Des vices nouveaux > étrangers à son tempérament, mais qui lui étaient donnés par le trouble intolérable de son ame, achevaient d’égarer ses résolutions. Cet homme dont le cœur ne fut jamais, je crois, ému par la voix, par l'aspect d’une femme, depuis peu de temps s’abandonnait aux plus honteuses débauches. Souvent étendu dans un parc dont il avait fait périr le propriétaire, entouré des êtres les plus féroces et des femmes les plus dégradées, il cherchait l'ivresse, la volupté, et ne pouvait sentir que ses terreurs. Qui Le croirait ? l’affreux Cou‘thon tentait aussi les mêmes débauches.
Robespierre pourtant affectait en public cette même austérité qui tant de fois avait été opposée à l’intempérance de ses rivaux. Îl vivait chez un menuisier. li avait je ne sais quelle liaison avec sa fille, Cette famille avait pris ses goûts sanguinaires ; le père était membre de l'horrible tribunal. Que de supplices environnaïent Robespierre dans cet asile! les papiers trouvés chez lui en font foi. Il recevait une multitude de leitres où l’adoration la plus extravagante lui était prodiguée ; mais d’autres contenaient des Menaces, des imprécations qui devaient glacer tout son sang. Lisez ces terribles mots qui lui étaient adressés : Cette main qui trace ta sentence, cette RAR que tes yeux égarés cherchent à découvrir, cette main