Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
NATIONALE. 183
LIVRE CINQUIÈME.
Rx ne contribua plus à déterminer les suites heureuses du 9 thermidor que la manière dont cet événement fut compris , fut senti par les Français. Sur toutes les routes, qui la veille n'étaient traversées que par des fugitifs tremblans ou par des satellites qui en faisaient leur proie, on s’arrétait, on s’embrassait; le premier inconnu devenait un ami dans le sein duquel on voulait répandre toute son ivresse. Jamais peut-être un même moment ne vit plus d'êtres prosternés à-la-fois vers le ciel et adorant son auteur. Dans toutes uos armées, mille cris de joie s’élancèrent. Les soldats et les chefs ne connurent qu’alors l’orgueil des victoires que déjà ils avaient remportées. Ils n’avaient plus à en faire hommage à un monstre sanguinaire. Mais alors aussi ils connurent dars toute leur étendue les maux qu’avait soufferts leur patrie, et qu’on leur avait toujours cachés ou déguisés. Plusieurs disaient : Je n’aufai plus à craindre pour les jours de mes parens. Plusieurs se trompaient, leurs parens avaient été égorgés. Le général Moreau remportaitune victoire éclatante dansla Flandre maritimele jour même où son père montait à l’échafaud. Dans plusieurs prisons de Paris, les détenus entendirent, pendant la soirée du 9 thermidor, leufs geoliers prononcer quelques mots sinistres , comme pour les préparer à un massacre général. Le lendemain matin, ils les virent agités, effarés. Nous sommes sauvés , s’écrièrentils, nos bourreaux tremblent. Bientôt-l’espoir pénétra dans les prisons par autant de portes que la terreur v était entrée jusque-là. Mais l'espoir ne tarda à se ralentir; les malheureux avaient perdu les forces de leur résignation ; ils étaient dévorés par le doute et l’impatience.
La convention, en recevant tout-à-coup une liberté qu’elle avait si honteusement perdue, ne parut d’abord qu’étonnée et peu digne de sa conquête. La première ivresse du succès ne l’empêcha pas d'adopter une proclamation pro posée par Barrère , au nom des comités, dans laquelle, d’une voix seulement un peu plus affaiblie , ils annoncaient que leur règne et celui de la terreur continueraient encore. Tant de conventionnels avaient pris une part active à la tyrannie, tant d’autres avaient donné des acquiescemens multipliés à ces actes les plus affreux, que la première pensée du plus grand nombre fut de la conserver en la mo-