Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE. 189

Je sang n’y coulait plus; mais ceux qui en avait inondé leur cité régnaient encore.

Dès que les thermidoriens se virent plusassurés de la majorité dans la convention, ils firent nommer des commissaires qui allèrent dans chaque département réparer les fureurs de leurs prédécesseurs, et quelques-uns les leurs mêmes. Leur

ouvoir était peu limité. Il y en eut qui furent imprudens; en retirant des armes à la scélératesse, ils en laissèrent à la vengeance. Une pouvelle anarchie menaça de corrompre les fruits heureux dn 9 thermidor. Nous aurons bientôt à rapporter ces malheurs.

Cependant Paris offrait chaque jour le tableau de nouvelles dissentions civiles. À voir la confusion et la licence qui ÿ régnaient, on n'aurait jamais cru que cette ville fût le siége de la puissance la plus absolue qui fût en Europe. La convention n'avait point de garde, point de force armée autour d’elle. Tous ceux qui ni offraient un service volontaire pour la détendre aspiraient en effet à la dominer. La lutte était maintenant engagée entre la troupe des jacobins et les enfans de ceux qu'ils avaient fait arrêter ou périr. Les thermidoriens avaient commis une grande faute. Dans Ja nuit même du 9 thermidor , lorsque la victoire se déclarait déjà pour la convention, Legendre avait pénétré seul dans la salle des Jacobins, où étaient encore assemblés tous ceux qui, la veille, avaient préparé tant de proscriptions, et qui comptaient les exercer dans cette nuit même. Peu s’en fallut que Legendre n’expiât d’abord sa témérité. Il déconcerta leur fureur à force de mépris. Il leur dit qu’il n’y avait plus de salut pour eux que dans la fuite la plus prompte. Leur docilité devint extrême dès que le danger leur parut imminent. Ils sortirent tous, et Legendre apporta à la convention, comme un nouveau trophée de cette grande journée, les clefs de la salle des Jacobins. Cependant, huit jours après, ses amis et lui-même prirent le parti imprudent et honteux de rendre l'existence aux jacobins, sur lesquels ils espéraient dominer, comme l'avait longtemps fait Danton, leur maître. Sur une multitude d'hommes aguerris au crime , ils en éliminèrent quelques-uns; ils appeIèrent la nouvelle société les jacobins régénérés. Ils reconnurent la fausseté de leur combinaison dès qu’ils parlèrent de pitié, d'humanité dans cette même salle où jamais de tels mots n’avaient été proférés impunément. Ils se virent repoussés, chassés; et cette prompte ingratitude dut leur causer moins de confusion que le service même qu'ils avaient rendu à de tels hommes. Billaud-Varennes , Collot-d'Herbois, tous ceux qui avaient partagé leur puissance, consolèrent les jacobins de la perte de Robespierre. Ils se montrèerent à eux, non