Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

188 :CONVENTION

les jours à la mémoire des familles. Le peuple apprenait à plaindre davantage ceux qu’il n'avait pas encore assez plaints; et quand le peuple fut vivement ému , la majorité de la convention le fut aussi.

Laissait-elle entrevoir quelque secourable intention, on l’en remerciait déjà comme d'un bienfait obtenu. On lui parlait toujours au nom de son indépendance; mais chaque jour on reprenait sur ce corps despotique un peu de la liberté qu'il avait ravie. On observa moins de circonspection quand les jacobins, rassemblant leurs forces, firent craindre le retour de leur sanglante domination. Alors Billaud, Collot, et quelques autres, furent en butte à de foudroyantes accusations. Bientôt l'excès naquit. Mais si à aucune époque de la révolution il fut fait un usage vtile et judicieux de la liberté de la presse, ce fut dans les six mois qui suivirent le o thermidor.

Les femmes qui, pendant Ja tyrannie, avaient affronté les bourreaux les plus implacables, venaient maintenant entourer de leurs sollicitations des hommes plus portés à se laisser désarmer. Celle qui sans doute s'était offerte à la pensée de l'auteur le plus remarquable du 9 thermidor, contribua, par la plus heureuse et la plus active influence, aux bienfaits successifs de cette journée. D'autres dames, qui eurent le bonheur d'éviter trop de célébrité, surent aussi commander en intercédant.

Parmi les thermidoriens, il y en eut un sur-tont dont le zèle et le courage furent sans bornes en faveur des malheüreux détenus. C'etait Legendre, lui qui avait souvent exprimé, dans un langage grossieretbarbare, des sentimens cruels qui n'étaient point dans son cœur. L'ignorance, la vanité, l'exaltation avaient produit ses excès. La fureur n’avait fait de lui que le discoureur le plus grossier. L’humanité, quand il s'y abandonna, lui inspira quelquefois des traits pathétiques , et sur-tont le genre d’éloquence qui devait le plus émouvoir la convention et ses tribunes. Son entrée au comité de sûreté gnénérale fut une époque de délivrance pour les prisonniers. Il les visitait sans cesse, il les écoutait, il versait des larmes, il les rendait à leurs familles; s’il en avait repoussé quelques-uns, il sortait triste : il revenait bientôt vers ceuxà, grondant et pleurant à-la-fois; il avait l'air de les chasser de la prison. Lui, Bourdon de l'Oise, Rovère, Fréron, Merlin de Thionville, André Dumont, et quelques autres, rendirent les prisonsde Paris vides. Ilsse ressouvenaient alors du mot infâme employé par les anciens comités, 1/ faut déblayer les prisons. Ils lui donnèrent un autre sens.

Ce bienfait ne fut pas d’abord commun aux départemens. L'oppression ne s’y était que faiblement ralenti. À la vérité,