Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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étant associés à la ligue des Treize-Cantons, étaient un pays neutre. Les Autrichiens, avertis du passage des deux ambassadeurs, entrèrent à main armée sur le territoire, et ne respectèrent pas le titre dont ils étaient revêtus. Ils les arrêtèrent eux et leur suite. Ils s’emparèrent de leurs dépèches , ils les conduisirent à ‘la citadelle de Mantoue, et de là dans la prison] d’Olmutz. J'ai ouï rapporter que l’un de ces deux ambassadeurs avait été chargé de proposer à la cour de Naples des conditions pour rendre la liberté à Marie-Antoinette, sœur de la reine de Naples; que la cour de Vienne dut être informée de ce projet, puisque les ‘dépêches qui les contenaient lui furent remises ; et que cependant les ministres avaient étouffé une négociation qui avait pour but d'empêcher qu’une reine de la maison d’Autriche ne montât sur l’échafaud déjà teint du sang de son époux.

La cour de Vienne montra de l'intérêt pour les malheurs de Madame, fille de Louis XVI, qui gémissait dans la tour du Temple, après que son père, que sa mère, que sa tante, madame Elisabeth, lui-eurent été successivement enlevés ; après que son jeune frère eut péri près d'elle, mais non sous ses yeux. L'empereur accorda, pour la rançon de sa jeune et infortunée parente, la liberté aux députés Camus, Quinette, Bancal, Drouet, Lamarque, au général Beurnonville ; aux ambassadeurs Maret et Sémonville, et à quelques hommes de leur suite,

L'un de ceux dont le directoire avait hâté le retour dans sa patrie, Drouet, s’engagea bientôt, ou vit du moins son nom impliqué dans un complot dont le but était de renverser le directoire et la convention. Un obscur écrivain, qui n'avait pu parvenir à la célébrité dans le temps où tous les hommes de son parti l’obtenaient si facilement, GracchusBabœuf, fut l’ame de ce complot, où les uns virent la méditation la plus forte du crime, et où les autres ne virent que le rêve d’une imaginatio ; infernale.

Le directoire suivait une politique incertaine et flottante à l'égard des factions qui lui restaient à contenir, D'abord il feignit de croire que les républicains les plus violens et les plus redoutés acceptaient avec soumission le frein de la constitution nouvelle. Il s’étudiait à les amollir par des récompenses, par des promesses ; il leur donnait des avis sans menaces ; il leur rendait ces assemblées de club où l'enthousiasme prend un caractère si sombre, si dangereux ; mais en même temps il les entourait de guides, il les obsédait de leçons. Ses soins réussirent à l'égard de quelques-uns ; mais les autres n’accordèrent point au directoire