Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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la paix qu'ils avaient refusée à tout ce qui exerçait sans eux une autorité sur les hommes. Le directoire ne voulut plus leur laisser ce nom de jacobins, si souvent porté et abdiqué par des partis qui se combattirent ; il les appela anarchistes ; et dans ce nom même il y avait encore de l'indulgence. Bientôt ils furent désignés dans les proclamations du gouvernement comme des ennemis aussi implacables, aussi dangereux que les royalistes. Le directoire ne se fit plus de scrupule de choquer leurs regards par un appareil qui annoncait, quoique avec un faible éclat, une magistrature suprême. Les pompes assez mesquines du palais du Luxembourg parurent aux anarchistes un faste royal ; eux pourtant, :l$ se rassemblaient dans l’un des plus beaux monumens de la capitale, le Panthéon, auparavant l’église de Sainte-Geneviève. Mais, de ce lieu éloigné du centre , ils n’exercaient plus la même influence, nisur l'assemblée nationale, ni sur la multitude. Le directoire, fatigué d’être chaque jour harcelé par des discours séditieux, fit proposer au corps-législatif de fermer l'assemblée du Panthéon, et ce club fut dissous.

Les anarchistes essayèrent alors ce que le caractère national rend très-difficile en France, une véritable cons-

iration. Depuis que la révolution suivait son cours, des milliers de Français avaient été envoyés à la mort sous le nom de conspirateurs; un plus grand nombre avaient réclamé ce titre après la catastrophe qui les avait rendus victorieux et tout s'était réduit à un choc rapide, mais long-temps attendu entre deux partis qui s'étaient menacés, et qui avaient disposé à haute voix leur plan d'attaque. Quels étaient done ces hommes qui se disposaient à couvrir leur complot d’un mystère que les jacobins, leurs prédécesseurs, avaient jugé inutile ou impraticable ? Ils n'avaient obtenu jusque-là que des rôles obscurs dans leur propre faction. Instrumens dédaignés de la tyrannie qu’ils voulaient établir, quelques-uns avaient même failli en être les victimes. Leur chef, Graechus Babœuf, avait été arrêté comme un complice d'Hébert; on ne s’était pas donné la peine de le frapper. Ils n'avaient aucun emploi dans le gouvernement. L'orgueil et ambition les avaient détournés de chercher des alliés parmi des hommes puissans. La plupart, etleur chef sur-tout, étaient livrés à une extrême indigence : il fallait se cotiser pour fournir des vêtemens ou des alimens au nouveau Gracque. L'état de gène et d'alarme où les anarchistes avaient vécu depuis le g thermidor avait établi entre eux cette réciprocité de secours, cette obligeance active et sans ostentation qui appartient à toutes les sectes ardentes qui