Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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J'ai esquissé la gloire de Pichegru dans la grande campagne de 1794 et dans la conquête de la Hollande. La prudence qui le caractérisa long-temps se montrait sur-tout dans les relations qu’il faisait de ses plus belles opérations militaires. T1 voulait n’y paraître qu'un soldat : point d’insulte aux ennemis ; nul trait d’un enthousiasme recherché : il semblait toujours s’oublier, et savait toujours se faire connaître. Les événemens de 1794 et de l'hiver de 1795 l'avaient placé, vis-à-vis du vainqueur de Fleurus, dans la même concurrence où il avait été vis-à-vis du général Hoche. Les royalistes et les étrangers consentaient plus facilement à la gloire de Pichegru; les républicains les plus sévères défendaient avec plus d'affection celle du général Jourdan. Dans la dernière année de la convention, la fortune vint offrir à Pichegru le rôle politique qu’il refusait ou qu’il craignait. Les thermidoriens fatigués et inquiets de la lutte qu'ils soutenaient, dans un temps de disette, contre les “acobins et la turbulente population de la capitale, appeFront à leur secours le vainqueur de la Hollande. Il vint à Paris sans escorte. On se rappelle que ce fut lui qui, à la suite d’une révolte réprimée (celle du rer germinal), fut chargé de conduire hors de Paris les députés BillaudVarenne , Collot-d'Herbois , ete. Il rendit cet important service à la convention, sans y attacher et sur-tont sans paraître en attendre aucun prix. Sa présence à Paris excita peu l'attention du peuple; mais il ne fut point insensible aux hommages que lui rendaient de plus dignes appréciateurs de la gloire. Il se montra dans des sociétés peu zélées pour la république. Son ton y fut simple et discret , mais de manière à inspirer la confiance et à permettre l'espoir. El s’enivra de louanges qu’il avait l’air de ne pas écouter.

Il sortit de Paris précipitamment, et comme un homme qui se dérobe à une tentation qui agite trop son cœur; il reprit le commandement de l’armée du Rhin.

Les faibles nuances d'inquiétude ou d’ambition que je viens d'indiquer dans le caractère de Pichegru ne préparent pas encore au rôle méprisable qu'il fit succéder si promptement à sa carrière de gloire.

Il ne restait plus que Mayence à conquérir pour assurer à la république la barrière du Rhin; mais le siége de cette place , que les travaux successifs des Français, des Prussiens et des Autrichiens avaient rendue une des premières de l'Europe, était une entreprise difficile pour des soldats qui voulaient toujours triompher en courant. Deux armées, celle du Rhin, commandée par Pichegru, et celle de Sambre