Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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core, celle des profondes vengeances et des soudains retours du peuple italien , semblaient élever d’autres Alpes devant les Français. Un jeune officier d'artillerie avait distrait sa pensée des tristes images que lui offrait une ville française à reconquérir sur les Anglais, en concevant le plan de la conquête de Fltalie. Méconnu , persécuté même après des exploits déjà éclatans , Bonaparte , entre tous les projets que suggère une ame ardente, calculait avec plus d’exactitude, développait avec plus de feu le projet favori qui exerçait son génie sans relâche. Il arriva que les dépositaires de l’autorité durent tout à son bras. Il demanda et il obtint sa récompense en Italie : il avait 26 ans. La victoire de Loano, remportée par le général Schérer, avait été souillée par l’indiscipline, et presque anéantie par l'inaction des, vainqueurs. Depuis plusieurs mois, ils se consumaient sur un territoire infertile, oubliés de leur patrie, et n’occupant plus qu’un petit nombre de bourgades piémontaises ou génoises. Le nouveau général ne montra d'autre remède à leurs souffrances que la victoire : quand on lui objectait le manque absolu de différens objets qui paraissaient nécessaires pour entrer en campagne : J'ai assez, disait-il, si je suis vainqueur; et trop si je suis vaincu. L'armée d’ltalie, accrue de celle qui avait porté la terreur dans l'Espagne , était de beaucoup inférieure en nombre aux armées que la ligue avait mises en mouvement au-delà des Alpes. Mais l’imminence du péril n’avait encore été sentie que par l'Autriche et le roi de Sardaigne. Le pape et le roi de Naples n'étaient pas encore prêts; l'Autriche pressait en vain ces alliés d'envoyer les forces qu’ils avaient promises au nombre, l’un de 20, l’autre de 4o mille homines. Seulement un corps de cavalerie napolitaine , parfaitement équipé, avait joint auprès de Milan l’armée autrichienne. Quarante-cinq mille Atlemands ; sous le commandement du général Beaulieu, devaient seconder 5o mille Piémontais sous le commandement du général Colli. Ges forces , il est vrai , n’étaient point encore rassemblées : les forteresses du Piémont, différens points à défendre sur les Alpes, en occupaient une partie. Le comte de Beaulieu surpassait la plupart des généraux autrichiens en audace et en activité. Il se plaisait à préparer des attaques impétueuses et bien masquées. Chasser les Français des conquêtes qu’ils avaient faites dans l'état de Gênes, leur faire repasser les Alpes, n’était rien pour lui. Il espérait descendre à son tour de ces montagnes, fondre sur le comté de Nice, qu'on pouvait supposer ennemi du joug français, et pénétrer en conquérant dans le midi de la France.