Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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pas encore; et, dans cet espoir, ils créaient, avec un faste insignifiant , une marine dont on ne pouvait deviner l'usage. Ils s’occupaient plus follement encore d’une armée de terre, qui ne cédait en habits éclatans, en beaux chevaux, à aucune des armées les plus célèbres de l'Europe : six mille Napolitains, l'élite de cette armée, avaient paru, maisne s’étaient point distingués au siége de Toulon. Les défaites de Beaulieu avaient été funestes à leur meilleure cavalerie. Bonaparte soumit l’orgueil de la reine de Naples à un armistice qui était une véritable rançon : elle payaït huit millions de contributions à l’armée francaise.

De tous les états d'Italie, le mieux gouverné était le grand duché de Toscane. Le sage Léopold y avait opéré avec mesure, avec succès, la plupart des réformes et des améliorations que le fougueux Joseph IL avait précipitées et manquées dans les états héréditaires de l’Autriche : l’archidue Ferdinand maintenait cette administration paternelle. La cour de Florence n’offrait plus toute la magnificence des Médicis, mais l’ordre s’y faisait partout remarquer. Un esprit de règle, qui peut-être eût été minutieux dans un vaste empire, entretenait à-la-fois la paix, la subordination et l’activité parmi les heureux Toscans. Il y avait une sorte de courage de la part d’un prince autrichien à se déclarer neutre dans une guerre où l’Autriche était engagée pour de si grands intérêts. Le grand-duc était revenu à ce parti depuis que la chute de Robespierre lui avait permis de le prendre avec décence. Il avait été le premier des princes régnans qui reconnût la république française. Il lui avait envoyé un ambassadeur , le comte Carletti. Ce choix n’était point heureux; le comte Carletti n'avait ni mesure, ni dignité: courtisan trop vil du directoire, il l’offensa bientôt par une démarche qui, chez tout autre, eût paru assez noble, et qui, chez lui, parut ridicule. Lorsque madame, fille de Louis XVI, réclamée par la cour de Vienne, obtint la liberté d'aller pleurer auprès de ses parens les malheurs de sa famille , le comte Carletti demanda au directoire la permission d’aller lui présenter ses hommages, comme l'ambassadeur d’un souverain qui lui était attaché par le sang. Le directoire recut sa demande avec indignation , et le congédia avec mépris. Le grand-duc condamna lui-même son ambassadeur , puisqu'il le remplaca. On ne sut ce qui devait étonner davantage de la complaisance de ce prince ou de la brusquerie du directoire. Bientôt les Anglais, irrités de la neutralité du grand duc, le traitèrent avec plus d’insolence. Ils prirent possession du port de Livourne, et ils