Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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joug avec impatience lorsque les sénateurs vénitiens jouisSaient, comme par monopole, du commerce du monde; Jorsque, survivant aux croisades , ils en recueillaient les fruits; lorsqu'ils bravaient l’empire ottoman, et lui disputaient une grande partie de la Grèce, quel devait être le mécontentement de la Terre-Ferme depuis que tant de grandeur n'était plus qu'un souvenir importun. Cette république avait déclaré la neutralité, et n’avait point levé d'armée pour la protéger. Elle resta exposée aux entreprises de l’Autriche, qui faisait traverser à ses troupes le territoire de Venise chaque fois que l'urgence de ses périls le demandait. Le sénat paraissait toujours satisfait de ses excuses. Il avait fait un autre acte de complaisance pour la coalition en donnant au frère de Louis XVI Vérone pour asile.

Ce n’était pas la première fois que cette république recevait dans son sein des rois détrônés et des princes fugitifs ; de fiers patriciens se complaisaient à voir ces illustres victimes de la fortune , à les étourdir plutôt qu'à les consoler par de longues saturnales où ils appelaient tous les plaisirs et toutes les précautions. C'était bien assez pour le nouveau prétendant d’être condamné à se soumettre au repos quand toute l’Europe paraissait armée pour sa cause: il s’éloigna du moins des plaisirs bruyans et avilissans. Il s’occupait à Vérone de quelques mesures impuissantes, qu'il cherchait à faire passer pour des négociations. Le directoire ‘de la république française en avait quelquefois conçu des alarmes. Il avait fait au sénat de Venise de sévères représentations que les victoires de l’armée d’ltalie firent enfin écouter. Les Vénitiens se virent obligés d’éloigner le prétendant. Il est plus dur encore de rompre que de refuser l’hospitalité; ils donnèrent leurs ordres avec une arrogance qui dissimulait en vain la peur. Louis Stanislas Xavier, dans son indignation, montra une juste fierté que ses malheurs précédens n’avaient encore que faiblement excitée. Il déclara qu’il quitterait Vérone aussitôt qu’on lui aurait rendu l’épée dont Henri IV avait fait présent à la république, et qu’on lui aurait présenté le livre d’or pour y rayer le nom de sa famille. Cette dernière condition lui fut accordée avec dédain : Nous sommes prêts, ajoute le sénat dans sa réponse, à vous rendre l’épée d'Henri IV, si vous nous rendez les onze millions que nos aïeux prêtèrent à ce monarque. Ceux qui faisaient cette froide ironie allaient bientôt cesge de dominer. Déjà l’armée francaise était entrée dans

érone.