Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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impériaux. Chaque partie du service de l'armée trouvait dans Bonaparte un inspecteur vigilant, ou plutôt le créateur de ses nouvelles ressources. L’infanterie acquérait une mobilité plus active et plus savamment calculée. La cavalerie se formait avec les excellens chevaux que fournissent les plaines de la Lombardie. Bonaparte ne cessait de perfectionner l’une des plus précienses inventions de son génie militaire ; je veux parler des compagnies de guides , troupe dont l’inconcevable vélocité surpassait tous les services qu'on avait encore tirés des troupes légères. L’artillerie , premier objet des études de Bonaparte, tenait de lui de nouvelles méthodes. On voyait dans tous les soldats de cette armée le rare mélange d’une obéissance passive et d’une curiosité ingénieuse qui les portait à pressentir les desseins de leur général. Bonaparte, qui s’en applaudissait, en conçut pour tant quelquefois de l'inquiétude : on en jugera par ce trait qu'il a lui-même rapporté dans ses relations, toutes semées d’anecdotes de ce genre. Un jour un chasseur, à l’approche d’une action qui parassait diflicile, s’avança près du général , et lui indiqua comme nécessaire l’opération même que celui-ci avait méditée : Malheureux ! veux-tu bien te taire , reprit le général, qui ne eraignait plus d’être trahi que par la sagacité de ses soldats. Après le combat Bonaparte ne trouva plus ce chasseur, qu’il voulait faire oflicier. La subordination de tous les généraux, de tous les officiers supérieurs, au jeune homme de vingt-six ans qui les commandait , tenait encore moins à l'éclat de sa gloire qu’à l'énergie de son caractère. Il régnait une vive émulation entre les généraux Joubert , Massena , Augereau , Serrurier, Dallemagne , Guyeux, Vaubois , Murat, Lasnes, Rampon, à qui serait le meilleur des lieutenans de Bonaparte; nul ne songeait à devenir son rival. Le général Berthier , qui le secondait de tous ses talens militaires et de son intrépidité, était son compagnon le plus assidu et le plus intime. Bonaparte avait auprès de lui un de ses frères âgé seulement de douze ans, et le jeune Eugène Beauharnais, qui se préc cipitaient dans tous les périls à la voix de l'honneur. L'administration financière de l’armée d'Italie était florissante , et devait tout aux soins vigilans de Bonaparte. C'était un contraste frappant que celui de la tenue et des approvisionnemens des soldats de cette armée avec la pénurie qui souvent afligeait les soldats républicains dans d’autres armées également victorieuses. Quelques exemples de sévérité avaient intimidé des fournisseurs infidèles. Ils spéculaient sur les victoires et les conquêtes, mais non sur la négligence du général, qui concluait et surveillait tous leurs